Ce grand herbivore africain – Okapia johnstoni – surnommé « la girafe des forêts » est menacé d’extinction dans la nature. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe l’espèce « en danger » (EN).
Description de l’okapi
Caractéristiques physiques
Ce n’est qu’au début du XXème siècle que l’on a (re)découvert cette espèce endémique des forêts équatoriales de la République Démocratique du Congo. Il faut dire que l’okapi sait se faire discret : très craintif, il se laisse difficilement observer et parvient rapidement à se camoufler parmi la végétation dense de son habitat naturel. Si certains ont pu le confondre avec un lointain cousin du zèbre à cause de son arrière-train et de ses pattes noires et blanches recouvertes de zébrures, l’okapi appartient en réalité à la même famille que la girafe : les giraffidés. Un lien de parenté qui saute aux yeux si l’on regarde attentivement la tête de l’okapi. Sa morphologie est en effet sensiblement proche de celle de la girafe. Chez les mâles, le haut du crâne est surmonté d’ossicônes, deux cornes osseuses portées indifféremment par mâles et femelles du côté des girafes. On ignore encore quelle est leur utilité. Autre point commun avec la girafe, sa posture : l’okapi dispose en effet d’un long cou et de pattes arrières plus courtes, comme chez sa cousine tachetée. D’ailleurs, il marche à l’amble – c’est-à-dire les pattes du même côté en même temps – comme elle.
En revanche, l’okapi est bien plus petit que la girafe. Les adultes mesurent entre 1,90 et 2,50 m de long pour 1,65 m de haut au garrot contre 5 à 6 m de haut pour une girafe mâle. Il est aussi moins lourd avec un poids moyen compris entre 200 et 300 kilos, soit trois à cinq fois moins qu’une girafe adulte. A noter que la femelle okapi est généralement plus grande que le mâle.
Le pelage à poils courts de l’okapi est imperméable, ce qui lui est bien utile pour résister au fort taux d’humidité ambiant. De couleur marron foncé sur l’essentiel du corps, il devient noir et blanc sur les parties postérieures. La tête est de couleur plus claire, sauf autour de la bouche où se forme un contour noir. L’okapi a deux grandes oreilles mobiles de forme ovale qui lui confère une très bonne ouïe. Ses couleurs et ses zébrures, quant à elles, sont parfaites pour se camoufler dans la forêt et ainsi échapper à tout prédateur potentiel. L’okapi est bel et bien taillé pour vivre dans une végétation dense !
Régime alimentaire
Comme la girafe, l’okapi est un ruminant herbivore et plus précisément folivore. Il se nourrit principalement de feuilles d’arbres. Celles-ci sont très souvent en hauteur, mais cela ne gêne pas la girafe des forêts. Doté d’une longue langue noire pouvant mesurer 30 cm, l’okapi s’en saisit en effet avec une grande dextérité. Il mange également de petits fruits et des champignons. Au total, il ingurgite entre 18 et 30 kilos par jour ! Chose plutôt insolite, l’okapi peut ajouter à son régime alimentaire… du charbon de bois ! Il le trouve après que des incendies de forêts aient eu lieu. En l’ingérant, l’okapi se prémunit contre les toxines avalées au quotidien, comme l’euphorbe par exemple, un genre de plantes très toxiques. Résultat, il peut manger sans problème des plantes qui rendraient malades n’importe quel humain.
Comportement
L’okapi est un animal plutôt solitaire. Mâle et femelle ne se retrouvent qu’au moment de l’accouplement et c’est la mère qui s’occupe du petit (voir plus bas le paragraphe « Reproduction »). Parce que très discret, l’okapi est difficilement observable dans la nature. Les nombreuses études réalisées sur l’espèce se sont donc généralement basées sur des animaux captifs et non sauvages, ce qui peut fausser quelque peu les résultats. Ce que l’on sait, c’est que l’okapi est un animal diurne qui s’active pendant la journée. Le mâle peut avoir tendance à marquer son territoire en s’urinant volontairement dessus puis en déposant son odeur partout sur son passage, mais il n’est pas pour autant territorial. Mâle et femelle marquent également leur présence en frottant leur cou aux arbres. Il peut arriver que la zone d’occurrence de deux okapis se chevauche sans que cela n’entraîne de comportement agressif. Pour communiquer entre eux – ce qui arrive notamment entre une mère et son petit – les okapis utilisent des infrasons, c’est-à-dire des sons basse fréquence inaudibles pour l’oreille humaine. Il s’agit d’un type de langage également utilisé par les éléphants.
Habitat
Comme évoqué précédemment, l’okapi est une espèce endémique de la République Démocratique du Congo. Historiquement, on pense qu’il aurait aussi vécu en Ouganda, où il aurait désormais totalement disparu. Aujourd’hui, il ne vit que dans les forêts humides du centre et du nord-est de ce pays ayant pour capitale Kinshasa, et qui s’étend sur 2,3 millions de km² au centre de l’Afrique. La forêt de l’Ituri est réputée pour abriter la plus grande population d’okapis sauvages au monde. Celle-ci se trouve au nord-est du bassin du Congo et est délimitée au nord par la savane et la vallée du Rift occidental, et au sud par une forêt pluviale. Tout ce territoire est sillonné par des cours d’eau impraticables – même en pirogue – sur plusieurs kilomètres, la chaleur y est suffocante et l’air, très humide, est envahi par des myriades d’insectes. Seuls les pygmées acceptent de vivre sur ces terres hostiles à l’Homme. L’okapi vit donc dans un habitat très reculé qui l’a protégé pendant de nombreux siècles de toute activité anthropique.
Okapia johnstoni vit généralement à des altitudes comprises entre 500 et 1 000 m, bien que des individus aient été observés encore plus haut, vers 1 450 m d’altitude. Il affectionne aussi bien les forêts de montagnes que les forêts marécageuses, toutes se situant en zone tropicale ou subtropicale. Autre point important : l’espèce a besoin d’eau et fréquente généralement les rives de cours d’eau.
Menaces pesant sur les okapis
L’okapi est une espèce menacée dont le déclin s’est fortement accéléré à partir des années 1990. Elle aurait ainsi perdu la moitié de sa population depuis 1995 et ne compterait plus que 10 000 à 30 000 individus dans la nature. Attention, il s’agit d’une simple estimation : aucun chiffre officiel concernant le nombre d’okapis vivant dans la nature n’existe.
Déforestation et activités minières
Les forêts de la République Démocratique du Congo sont restées pendant longtemps parmi les mieux préservées au monde. Certaines zones sont tellement reculées que l’Homme n’y a que rarement voire jamais mis les pieds. Il ne faut pas oublier que le bassin du Congo abrite la deuxième plus grande étendue de forêts au monde, juste après l’Amazonie. Seulement voilà, ces terres regorgent également de ressources naturelles. Bois, pétrole, minerais… Autant de matières premières qui se vendent bien et cher sur les marchés mondiaux. Kinshasa en a conscience, autant que les groupes armés qui ont investi la forêt pour leurs activités minières illégales. Longtemps épargnées, les forêts congolaises sont en effet de plus en plus exploitées par l’Homme.
Des pans entiers de la forêt sont détruits par la culture sur brûlis afin d’y établir de nouvelles semences, mais ce sont surtout les activités minières illégales qui causent les plus importants dégâts. Entre 2000 et 2010, les forêts congolaises auraient ainsi perdu 2,3 % de leur surface totale, soit près de 2 millions d’hectares d’après des données satellitaires. Et les aires protégées ne font pas exception : elles sont elles aussi exploitées de façon illicite. Autre fait alarmant, le gouvernement en place ne semble pas très à l’écoute des sirènes des défenseurs de l’environnement. En 2018, il a par exemple fait connaître son intention d’autoriser des compagnies pétrolières à forer dans les parcs nationaux des Virunga et de Salonga, où vivent les derniers gorilles du Congo.
Les conflits armés
L’instabilité politique de la République Démocratique du Congo, qui s’est installée durant les années 1990 et continue de fragiliser le pays, a eu d’importants impacts sur la faune. Des rebelles armés sévissent dans les forêts où vivent les okapis. Ils s’y sont établis notamment pour extraire des ressources minières et ainsi financer leurs actions. Tous les projets de conservation de l’okapi qui ont pu exister se trouvent à présent au ralenti en raison du manque de moyens et de l’insécurité ambiante.
La chasse
A la différence de nombreux primates comme le gorille des montagnes et d’autres animaux africains, l’okapi ne fait pas partie des cibles préférées des chasseurs. Ainsi, le marché de la viande de brousse ne touche pas beaucoup l’espèce. Il arrive néanmoins qu’elle fasse partie des proies tuées, principalement par opportunisme. Toutefois dans certaines zones du pays, le girafidé semble être un mets plutôt recherché. Ce serait notamment le cas dans la région de Twabinga-Mundo. Près de 30 okapis seraient par ailleurs abattus chaque année dans la réserve d’Abumonbanzi au nord du pays. L’animal est également braconné pour sa peau. Pourtant, la chasse de l’okapi est interdite dans toute la République Démocratique du Congo.
Efforts de conservation de Okapia johnstoni
L’okapi est une espèce protégée par la loi congolaise depuis 1933. L’institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) en a fait son emblème et le pays affiche fièrement l’image de cet animal sur ses billets de banque. Toutefois, il existe peu de mesures internationales le protégeant. Bien que victime de braconnage, l’espèce n’est par exemple pas inscrit sur l’une des annexes de la CITES, l’organe qui régule le commerce international des espèces menacées. La méconnaissance de l’espèce dans son milieu naturel a contribué à son manque de protection et de prises de mesures allant dans le sens de sa préservation à l’état sauvage. Il a fallu attendre les années 1980 pour que des programmes de conservation commencent à voir le jour.
Le projet « Okapi Conservation »
Lancé en 1987, l’Okapi Conservation Project (OCP) est le tout premier programme jamais mis en place pour sauver l’okapi dans la nature. Son rôle consiste non seulement à protéger l’espèce mais aussi la culture du peuple autochtone qui vit dans ces forêts : les pygmées Mbuti. Sur le terrain, cela se traduit par la formation et l’équipement des gardes de l’ICCN qui ont pour mission de surveiller les lieux, bien que la surface à couvrir soit immense pour le petit nombre qu’ils sont. L’OCP a également proposé une alternative à la culture sur brûlis avec l’arbre Leucaena. Planté entre les rangées de cultures, il permet d’augmenter de 25 % les taux de rendement tout en offrant, lorsqu’il est coupé, du bois de chauffage ou d’œuvre aux locaux. Enfin, l’OCP s’est donné pour mission de sensibiliser les populations à l’importance de l’okapi dans leurs forêts. Il finance également des projets d’études de l’espèce à travers la Réserve de faune à okapis.
La Réserve de faune à okapis
Les okapis vivent principalement dans la forêt de l’Ituri, au nord-est de la République Démocratique du Congo. Afin de les protéger, il a été décidé de faire de 20 % de cette forêt – soit un peu moins de 14 000 km² – une Réserve de faune à okapis. Elle a été créée en 1992, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1997, et compterait environ 5 000 individus sauvages. C’est grâce à l’OCP qu’un tel site a pu voir le jour. Le village Epalu marque l’entrée de la réserve et abrite un centre de recherche dédié à l’étude de l’espèce. Malheureusement, la zone est instable. Les inquisitions de milices armées sont fréquentes et très violentes. En juin 2012, des rebelles Maï-Maï ont par exemple mis à sac les lieux, incendiant le centre et tuant sept personnes ainsi que les 14 okapis qui étaient présents. Grâce à des dons du monde entier, la réserve s’est remise et a pu rouvrir un an après l’attaque. Mais la situation reste tendue. Les gardes forestiers et les équipes qui travaillent sur place risquent leur vie pour protéger l’okapi. En février 2018, une nouvelle attaque s’est produite sur un véhicule de la réserve. Bilan : sept morts. Le parc national de Maiko, qui abrite la deuxième plus grande population d’okapis, se situe lui aussi dans une zone fragile où des milices armées sont actives.
Malgré ce climat extrêmement compliqué, la réserve faunique continue d’œuvrer à la protection de l’okapi. En 2016, elle a par exemple lancé une étude sur les pièges photographiques afin de mieux connaître l’espèce pour mieux la préserver. Des rangers de l’ICCN, des guides Mbuti et des membres de l’OCP se sont unis pour former la « Team Okapi ». Grâce à eux, le monde a pu découvrir début 2018 les toutes premières images d’un bébé okapi dans la nature. Un exploit encore jamais réalisé !
Un plan de sauvegarde jusqu’en 2025
En 2016, l’UICN, l’ICCN et la Société Zoologique de Londres se sont unis pour lancer le tout premier plan de sauvegarde de l’okapi. D’une durée de dix ans, celui-ci a pour objectif de :
- renforcer la protection des aires protégées où vit l’espèce et d’en créer de nouvelles,
- mener des recherches afin de mieux la connaître,
- sensibiliser davantage les locaux et les aider à développer leur économie pour que le braconnage cesse,
- soutenir les programmes d’élevage en captivité en vue de réintroduire des spécimens dans la nature.
Ce programme est piloté sur le terrain depuis la Réserve de faune à okapis. Il se termine en 2025.
Reproduction
Comme évoqué plus haut, mâle et femelle ne se retrouvent qu’en période de reproduction. D’après ce qui a pu être observé dans des parcs animaliers, il semblerait que les deux partenaires s’adonnent à toutes sortes de parades amoureuses avant de s’accoupler. Ils commencent par faire des cercles, puis à se rapprocher pour se renifler et se lécher. Enfin, le mâle prend l’ascendant en avançant une jambe et en allongeant le cou. Vient ensuite l’accouplement.
L’okapi est un mammifère. Au terme d’une gestation d’environ 15 mois, la femelle donne naissance à un seul petit à la fois. Quelques instants après la naissance, le bébé est capable de se tenir debout et de téter sa mère. 48 heures après, il pourra même la suivre dans ses déplacements, mais passera l’essentiel de ses deux premiers mois de vie à l’abri, dans un nid caché au milieu de la végétation. Le petit okapi reste aux côtés de sa mère jusqu’à neuf mois, âge à partir duquel il devrait être totalement sevré. Mais ce n’est qu’à l’âge de 3 ans que l’okapi atteint sa taille adulte définitive. Chez les mâles, les ossicônes commencent à apparaître vers l’âge de 1 an. En ce qui concerne l’espérance de vie de l’okapi, difficile de se prononcer à l’état sauvage. En revanche, des individus captifs ont pu vivre jusqu’à l’âge de 33 ans.
par Jennifer Matas
3 Réponses to “L’okapi”
31.01.2019
Lorraine Blaisquel es le moyen de defense de okapi
01.02.2019
Jennifer MatasBonjour Lorraine, l’okapi n’étant pas un animal agressif mais plutôt très craintif, sa meilleure défense est la fuite ou le camouflage. Grâce à son pelage, il se fond facilement dans le décor des forêts où il vit.
11.12.2018
KarlVous encourage pour tout.