Le plus grand poisson au monde, le requin-baleine (Rhincodon typus), est une espèce migratrice qui vit dans les eaux profondes, chaudes et tempérées. Principalement menacé par l’homme, ce requin est classé « en danger » d’extinction (EN) par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Description du requin-baleine
Le requin-baleine est l’une des centaines d’espèces de requins qui vivent dans les mers et océans de la planète. Il appartient donc à la classe des chondrichthyens, plus communément appelés « poissons cartilagineux », à l’instar de tous les requins ainsi que les raies, les poissons-scie et les chimères. Comme eux, son squelette se compose donc de cartilage et non pas d’os.
Deux grandes sous-populations semblent se distinguer d’un point de vue génétique, sans que l’on parle officiellement de sous-espèces. L’une vit dans l’océan Atlantique et l’autre dans les océans Indien et Pacifique.
Caractéristiques physiques
Puisqu’il est le plus gros poisson de la planète – le plus grand animal marin étant, pour rappel, la baleine bleue qui est un mammifère –, le requin-baleine est donc logiquement aussi le requin le plus imposant, juste devant le requin pèlerin (Cetorhinus maximus), dont la taille moyenne se situe aux alentours des 9 mètres. Adulte, le requin-baleine mesure quant à lui entre 5 et 12 mètres pour un poids maximal de 34 tonnes. Le plus gros individu jamais enregistré mesurait 20 mètres de long et pesait 42 tonnes !
Son corps est robuste et imposant, comme le suggère sa taille. Si le dessous est de couleur claire et unie, le dessus en revanche affiche des tons plus foncés, tirant vers les bleu-gris profond. Caractéristique importante : tout le dessus du requin-baleine est tacheté de petits points blancs, qui grossissent et se disposent comme des pions à l’intérieur d’un damier à mesure que l’on se rapproche de la queue. Une disposition qui est unique d’un individu à l’autre – comme c’est le cas chez les girafes par exemple – et qui permet d’identifier chaque animal.
Proportionnellement à sa taille, la bouche du requin-baleine est également immense. Parfaitement plate une fois fermée, elle offre un trou béant dès lors qu’elle s’ouvre. D’ailleurs, elle peut mesurer jusqu’à 1,50 mètre de diamètre !
Comme tous les requins pélagiques, le requin-baleine dispose d’une nageoire dorsale haute, d’une deuxième nageoire dorsale plus petite, et d’une nageoire caudale en demi-lune.
Tout chez le requin-baleine n’est pas géant, en témoignent ses petits yeux circulaires situés de part et d’autre de sa tête, à l’arrière de sa bouche. Positionnés ainsi, ils lui offrent un large champ de vision. Ses dents, minuscules et organisées en rangées, sont également plus petites que tout le reste. Elles se comptent en centaines et repoussent lorsque l’une d’elles tombe, mais ne semblent pas jouer un rôle dans l’alimentation de l’animal.
Comportement
Le requin-baleine est réputé pour son calme, sa curiosité et son pacifisme. D’ordinaire solitaire, il préfère nager et se nourrir seul, même si des regroupements ont pu être signalés dans différentes zones.
Cet immense poisson est un migrateur : même s’il ne se déplace pas aussi rapidement que d’autres requins réputés pour leur vélocité, Rhincodon typus peut parcourir plusieurs milliers de kilomètres par an, à des vitesses dépassant rarement les 5 km/h.
Le requin-baleine se nourrit plutôt pendant la journée, lorsque la lumière du soleil perce la surface et éclaire les profondeurs. En revanche, il a tendance à plonger se réfugier plus bas à mesure que l’obscurité gagne du terrain.
Régime alimentaire
Bien que carnivore, le requin-baleine n’a pas besoin de chasser pour se nourrir. Il ouvre simplement son immense bouche et ingère plus de 600 000 litres d’eau par heure. Puis, il la filtre en remuant la tête de part et d’autre afin de faire sortir l’eau par les branchies et ne retenir que ce qui l’intéresse.
Malgré son gigantisme, le requin-baleine se nourrit de petits animaux : le plancton, qui compose l’essentiel de son alimentation, mais aussi de petits crustacés. Il lui arrive également de manger des petits poissons (sardines, anchois, maquereaux, etc.) ou leurs larves et des calmars, qui constituent ses plus grosses proies.
Habitat
Le requin-baleine est un poisson pélagique, ce qui signifie qu’il vit au large, dans les eaux profondes. On le trouve dans les mers et océans tropicaux et tempérés – à l’exception des mers intérieures et de la mer Méditerranée – dans des eaux dont la température est généralement comprise entre 21 et 30 degrés.
Les eaux dans lesquelles il est plus fréquent de le croiser sont celles qui se situent au large de l’Australie, du Belize, de l’Equateur, du Mexique, des Philippines et de l’Afrique du Sud. L’UICN estime que 75 % des requins-baleines vivent dans les océans Indien et Pacifique et 25 % dans l’Atlantique.
Pour se nourrir, il doit régulièrement remonter à la surface, où les eaux sont davantage chargées en nourriture. Le requin-baleine nage donc également dans les lagunes des atolls et les récifs coralliens, où la vie foisonne.
Il peut aussi plonger profondément. Aussi, Rhincodon typus nage aussi bien à la surface que jusqu’à 120 mètres de profondeur. Il peut même descendre encore plus bas : jusqu’à 1900 mètres en-dessous de la surface !
Menaces
A l’exception des juvéniles qui peuvent être chassés par des orques, des requins bleus ou des grands requins blancs, le requin-baleine n’a pas réellement de prédateurs naturels du fait de sa grande taille. Ce qui ne l’empêche pas de voir ses effectifs se réduire chaque année un peu plus, au point de figurer sur la liste rouge des espèces menacées. Rhincodon typus est en effet classé espèce « en danger » d’extinction par l’UICN.
La population la plus importante en nombre d’individus – qui vit dans l’Indo-Pacifique – est la plus menacée. Elle a vu ses effectifs chuter de 63 % au cours des 75 dernières années. Ce qui correspond à la disparition de quasi deux tiers des individus en l’espace de trois générations.
Pêche ciblée et accidentelle
Si le requin-baleine est aujourd’hui menacé, c’est en partie à cause de la pêche dont il a été la cible pendant de nombreuses années. A la différence du grand requin-marteau, ce n’est pas pour ses ailerons qu’il est chassé mais plutôt pour sa chair, riche en protéines. Il est consommé dans de nombreux pays et est particulièrement réputé comme un mets délicat dans la cuisine taïwanaise qui le surnomme « requin tofu ».
L’huile de son foie est également très recherchée. Elle est utilisée en complément alimentaire et aussi pour traiter les coques des bateaux, pour fabriquer des cosmétiques et même cirer des chaussures !
Dernièrement, il semblerait que les ailerons des requins-baleines soient aussi très prisés. Sur certains marchés asiatiques, ils s’échangeraient contre 10.000 € l’unité.
Parce qu’elle est imposante et nage régulièrement en surface, l’espèce est très facilement repérable par les pêcheurs. En plus, ce poisson est curieux et loin d’être farouche, donc il se laisse facilement approcher. Les pêcheurs n’ont alors plus qu’à le capturer. Pour cela, ils utilisent le plus souvent un harpon afin de tuer l’animal et le remonter sur leur bateau.
Il arrive aussi que les requins-baleines soient pêchés accidentellement. Cela arrive notamment dans la pêche au thon lorsque celle-ci utilise de lourds filets de pêche pour attraper un maximum de poissons.
C’est ce qu’on appelle la pêche à la senne tournante et coulissante (voir photo ci-dessus). Certains filets peuvent mesurer 100 à 200 mètres de haut et s’étendre sur une longueur de 1 km. Les pêcheurs détectent des bans de poissons au sonar, puis jette le filet afin de les encercler. Avec une telle méthode, impossible de prédire que seuls des thons ont été piégés.
Impossible de savoir combien de requins-baleines se sont retrouvés pris dans ces filets, les chiffres exacts restant inconnus. Et même lorsqu’ils sont remis à l’eau, les requins sont souvent stressés et blessés et ne s’en remettent jamais.
Tourisme et navigation
Autre problématique plus récente : le tourisme. De nombreux pays tirent en effet partie de la présence dans leurs eaux de requins-baleines pour organiser des excursions en bateau ou en plongée afin de les admirer de plus près.
On ignore encore si ces pratiques ont un effet néfaste sur ces animaux, et en attendant d’en savoir plus, elles doivent faire l’objet de plus de contrôle et d’encadrement. Il serait judicieux d’imposer des règles afin de ne pas importuner l’animal, comme l’interdiction de le toucher, de le suivre trop longtemps ou de trop près. Certains pays et tours opérateurs le font déjà.
Avec l’augmentation de la navigation marine, les requins-baleines sont également plus sujets à être heurtées par des navires ou des hélices. Des collisions souvent graves pour l’animal et pouvant occasionner des blessures mortelles.
Pollution
Comme toutes les espèces marines concernées par ce fléau, le requin-baleine est directement menacé par la pollution. C’est particulièrement vrai pour cet animal qui est un poisson filtreur : il ingère des quantités d’eau de mer, la filtre, et retient de quoi se nourrir. En procédant ainsi, le requin-baleine s’expose à avaler tous les déchets et polluants qui stagnent dans les océans.
Pire, parce qu’il se nourrit principalement dans les eaux de surface très polluées, Rhincodon typus ingère potentiellement une grande quantité de plastique à son insu et au détriment de sa santé. Une récente étude menée par des chercheurs australiens, américains, indonésiens et néozélandais révèle ainsi qu’un requin-baleine peut avaler jusqu’à 137 morceaux de plastique par heure !
Pour les mêmes raisons, le requin-baleine est sensible aux marées noires qui constituent pour lui un véritable fléau. Des chercheurs craignent qu’en se nourrissant dans des eaux ainsi polluées, les requins-baleines n’ingèrent en même temps du pétrole qui vienne ensuite se coller à leurs branchies.
Efforts de conservation
Hautement symbolique de l’état de santé des océans, la disparition de ce géant des mers serait une catastrophe pour de nombreuses autres espèces et sur l’écosystème en entier. C’est pourquoi il est urgent d’agir vite, car comme le souligne l’UICN, « en l’absence de mesures de conservation, son déclin devrait se poursuivre à l’avenir ».
Stopper la pêche
Face à la diminution rapide des populations, de nombreux pays en ont interdit la pêche à partir des années 1990 ainsi que pendant la décennie 2000. Par exemple, les Maldives protègent l’espèce depuis 1995, les Philippines depuis 1998 et l’Inde depuis 2001.
L’un des plus tardifs à réagir, Taïwan, a prohibé sa pêche en 2008 et classé l’espèce sous le statut d’animal protégé. Mais la demande reste élevée et un trafic illégal continue d’exister. D’autant qu’un seul requin-baleine se vend à plusieurs dizaines de milliers de dollars, ce qui attise la convoitise des braconniers.
Protéger le requin-baleine à l’international
Parce que son aire de répartition est mondiale, la conservation du requin-baleine ne concerne pas un seul pays mais plusieurs. Des accords unifiés doivent voir le jour ou être renforcés pour que son commerce cesse et que sa protection soit efficace.
Première avancée : la Convention de Washington a inscrit le requin-baleine en annexe II en 2002. Cela signifie que son commerce international est encadré et limité par des quotas et des permis d’exploitation.
Il faut encore développer des programmes scientifiques afin d’en apprendre plus sur l’espèce, et découvrir avec précision les sites où elle se reproduit, se nourrit, etc. Ainsi, ces zones clés pour la survie du requin-baleine pourraient se transformer en réserves protégées.
Des « whale shark projects »
A Madagascar et aux Galápagos, des projets « requin-baleine » ou « whale shark projects » en anglais ont vu le jour. Leur but : en apprendre plus sur l’espèce et mettre en place des mesures de conservation pertinentes.
Le projet malgache a vu le jour en 2015. Il étudie les requins-baleines nageant dans les eaux de l’île de Nosy Be, au nord-ouest de l’île et développe un tourisme autour de l’espèce afin de sensibiliser le public à sa protection tout en aidant l’économie locale. A ce jour, plus de 300 individus ont été identifiés dans la zone. Madagascar Whale Shark Project a également lancé en 2018 un programme de sensibilisation auprès de la population locale.
En mer de Cortez au Mexique, où vivent également le totoaba et les derniers vaquitas au monde, s’est installé le Whale Shark Research Project (WSRP). Là encore, l’idée est de combiner le tourisme responsable à l’étude scientifique de l’espèce en organisant de sorties pour observer l’animal dans son milieu naturel et en collectant des informations.
Reproduction du requin-baleine
Plusieurs zones d’ombre existent encore quant à la reproduction de cette espèce à l’état sauvage. Il se pourrait par exemple que les femelles retournent sur le lieu où elles sont nées pour se reproduire, mais il s’agit d’une simple hypothèse émise par certains scientifiques. On ignore également l’âge à partir duquel les requins-baleines deviennent matures sexuellement et donc aptes à se reproduire. On pense qu’il pourrait s’agir d’environ 20 à 30 ans, mais là encore, aucune certitude. Impossible aussi d’affirmer avec exactitude la fréquence des accouplements entre mâles et femelles, ni même les sites de reproduction privilégiés, si tant est qu’il en existe.
En revanche, d’autres points sont sûrs. D’abord, les accouplements entre mâles et femelles se font par contact direct. La semence du mâle se déverse dans le cloaque de la femelle et féconde les œufs, qui se développent ensuite à l’intérieur de son ventre.
Depuis la capture d’une femelle de 10 mètres à Taïwan en 1995, on sait que le requin-baleine est ovovivipare. Autrement dit, les petits se développeraient à l’intérieur d’un œuf, lui-même à l’intérieur de la femelle jusqu’à l’éclosion, qui se faire dans le ventre de la mère. Grâce à ce mode de reproduction, les jeunes requins-baleines restent protégés jusqu’à ce qu’ils atteignent un certain stade. La femelle capturée portait 304 embryons.
A la naissance, ils mesurent environ 55 cm mais ils grandissent vite, surtout dans les premiers stades de leur vie. D’après des observations menées sur des individus captifs, il semblerait que les femelles aient une croissance plus rapide que les mâles.
Ils doivent se débrouiller seuls tout de suite, la femelle requin-baleine ne s’occupant plus de ses petits une fois ces derniers nés. Leur espérance de vie est inconnue, mais étant donné l’âge tardif de leur maturité sexuelle, on pense qu’ils pourraient vivre une centaine d’années et davantage.
En savoir plus
Si le requin-baleine est un animal solitaire, il n’est pas rare de le croiser accompagné. Bien au contraire ! Plusieurs petits poissons naviguent souvent à ses côtés, parfois allant même jusqu’à s’accrocher à lui.
Il faut dire que de la survie du requin-baleine dépend directement celle de plusieurs autres espèces, dont ces petits invités. C’est le cas par exemple du rémora commun (Remora remora), un poisson hôte qui suit de près les requins – dont le requin-baleine –, les mammifères marins et les tortues marines pour se nourrir des minuscules parasites qui se logent sur leurs peaux.
La relation qui unit le requin-baleine au rémora est appelée symbiotique, c’est-à-dire bénéfique à tous, voire carrément indispensable à leur survie. En effet, le rémora nettoie le requin tout en se nourrissant, et sans jamais se blesser l’un l’autre.
1 réponse to “Le requin-baleine”
14.02.2022
Mar1Bonjour,
Je me sers de votre article pour un petit exposé. Votre article est complet et clair, j’adore!
Super travail ! 😉