Avec le rhinocéros de Java et le rhinocéros de Sumatra, le rhinocéros indien est le troisième du continent asiatique. Pendant longtemps, l’espèce a été classée « en danger » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), frôlant même l’extinction au début du 20e siècle. Mais grâce à des mesures strictes de protection, sa situation semble s’améliorer ces dernières décennies. L’espèce reste toutefois menacée.
Description du rhinocéros indien
Caractéristiques physiques
Le rhinocéros indien est le plus grand rhinocéros d’Asie. Adulte, un mâle mesure entre 3,65 et 3,85 m de long et entre 1,65 et 1,85 m de haut. La femelle est généralement plus petite avec une longueur moyenne de 3 à 3,5 m et une hauteur comprise entre 1,45 et 1,75 m. Des carrures très impressionnantes pour des poids moyens qui le sont tout autant puisqu’un mâle pèse entre 2 et 3 tonnes et une femelle entre 1,5 et 2 tonnes. La peau grise de ce rhinocéros lui donne encore plus de stature, car elle semble protégée par de grands boucliers séparés les uns des autres par des plis très nets au niveau de la tête, des pattes avant et des pattes arrière. En plus de la taille, le mâle se distingue de la femelle par la présence d’incisives inférieures pouvant atteindre 8 cm. Celles-ci sont utilisées lors des combats, pour infliger d’importantes blessures à son adversaire.
Comme c’est le cas pour tous les pachydermes (éléphants, hippopotames, tapirs, etc.), sa peau est très épaisse (jusqu’à 4 cm) et présente sur ses flancs, à la différence de ses cousins africains, un certain nombre d’aspérités semblables à des verrues et qu’on appelle « tubercules ». Toutes ces marques de peau donnent encore plus l’impression que le rhinocéros indien est protégé par une carapace blindée. En revanche, sa peau est dépourvue de poils, à l’exception de quelques endroits comme les oreilles et le bout de sa queue.
A l’instar du reste du corps, la tête du rhinocéros indien est massive et surmontée de deux oreilles longues et fines capable de pivoter pour détecter les bruits alentours. L’animal est d’ailleurs doté d’une excellente ouïe et d’un odorat très développé grâce auquel il est capable de suivre l’un de ses congénères à la trace sans problème. Une tâche facilitée par le fait que chaque rhinocéros dépose son odeur à chaque pas grâce aux sécrétions produites par une glande odoriférante située sous les pattes.
Quel que soit le sexe, le rhinocéros indien dispose au bout de son museau d’une unique corne qui lui vaut son nom scientifique : Rhinoceros unicornis. Cette corne arbore une couleur plus sombre que le reste du corps et mesure entre 20 et 30 cm en moyenne. A noter qu’elle se compose de kératine, la même matière que les ongles humains : elle ne serait donc d’aucune utilité pour traiter les problèmes d’impuissance masculine, en dépit de ce que prétend la médecine traditionnelle asiatique.
Régime alimentaire
Le rhinocéros indien est herbivore. Il se nourrit principalement des feuilles et d’herbes (80 % de son alimentation) qu’il trouve dans son environnement naturel, mais aussi de fruits, de branchages et de plantes aquatiques. Il parvient à se saisir aisément de tous types de végétaux grâce à sa lèvre supérieure qui est préhensile, comme chez toutes les espèces de rhinocéros. Il lui arrive parfois de s’attaquer à des cultures, ce qui alimente les conflits entre l’Homme et l’animal. L’espèce étant plutôt active la nuit, elle a tendance à se nourrir généralement tôt le matin ou dans la soirée. Chaque jour, un rhinocéros mange l’équivalent d’1 % de son poids total, soit plus de 20 kg de végétaux avalés quotidiennement.
Comportement
Ces animaux sont plutôt solitaires et préfèrent mener leur vie chacun de leur côté. En revanche, ils ne sont pas à cheval sur la possession du territoire sur lequel ils vivent et ne déclenchent pas systématiquement de combats lorsqu’ils se retrouvent en compagnie de leurs congénères. Quand ils ne sont pas en rut, les mâles tolèrent même que d’autres traversent leur territoire sans s’en prendre à eux. Au contraire, il n’est pas rare de voir plusieurs rhinocéros indiens les uns à côté des autres, notamment au moment de la baignade dans la boue ou lorsqu’ils paissent. Les femelles accompagnées de petits peuvent toutefois se montrer plus vindicatives, surtout envers les mâles. Quand ils se produisent, les affrontements entre rhinocéros sont très violents, chacun pouvant charger à des vitesses de pointe de plus de 50 km/h !
Habitat
A l’origine, le rhinocéros indien vivait dans tout le nord de l’Inde, au Pakistan, au Népal, au Bangladesh et au Bhoutan. Il aimait s’établir le long des bassins de l’Indus, du Gange et du Brahmapoutre, trois grands fleuves qui traversent le territoire indien. Aujourd’hui, l’espèce a totalement disparu du Pakistan, du Bangladesh et du Bhoutan et n’existe plus que dans une dizaine de sites répartis entre l’Inde et le Népal, de sorte que sa zone d’occurrence réelle ne dépasse plus 20 000 km². 70 % de la population vit dans le parc national de Kaziranga, sur la rive sud du Brahmapoutre dans les districts de Golaghat et Nagaon de l’État d’Assam, à l’extrémité est de l’Inde. La majeure partie du reste de l’espèce s’est établie dans le parc national de Chitwan, au Népal.
On trouve généralement Rhinoceros unicornis dans les plaines inondables ainsi que dans des marécages et des forêts adjacentes, dans des milieux très humides qui lui permettent de prendre des bains de boue réguliers. Ces bains servent de thermorégulateur et aident le rhinocéros à ne pas souffrir de la chaleur. Le rhinocéros indien est par ailleurs un excellent nageur, il est donc très à l’aise dans son environnement.
Menaces
Le déclin du rhinocéros indien n’est pas récent. Il a commencé en 1600 et s’est étendu sur trois siècles, pendant toute l’ère coloniale britannique, de sorte qu’alors que l’espèce était plutôt commune dans le nord-ouest de l’Inde et au Pakistan au 17e siècle, elle est devenue rare dès le début du 20e siècle. On comptait alors moins de 200 individus dans la nature et l’espèce était au bord de l’extinction.
Le braconnage
Comme sur le continent africain, les rhinocéros sont régulièrement braconnés en Asie, ce qui constitue l’une des principales menaces pesant sur leur conservation dans la nature. Le rhinocéros indien ne fait pas exception à la règle, malgré son statut protégé au Népal et en Inde. Entre les années 1980 et 2003, des conflits ethniques ont favorisé le jeu des braconniers, qui ont profité des tumultes ambiants pour abattre illégalement plusieurs individus vivant dans le parc national de Manas, dans l’Etat indien d’Assam. Les ravages ont été tels que le site a dû procéder à des réintroductions pour repeupler la zone (voir plus bas). Au Népal aussi, le braconnage a continué de sévir malgré les interdictions. 91 pachydermes auraient ainsi été tués entre 2000 et 2003 et l’instabilité politique du pays complique la donne, empêchant les gouvernants de se concentrer sur la protection de cette espèce. Résultat, le braconnage a quelque peu diminué, mais il existe encore.
La perte d’habitat
Si le rhinocéros indien est très chassé pour sa corne aux prétendues vertus médicinales, il a surtout frôlé l’extinction à cause de la disparition galopante de son habitat naturel. Comme expliqué plus haut, cet animal vit dans les prairies de plaines alluviales qui bordent les grands cours d’eau. Or, ces territoires bien irrigués sont aussi très recherchés par les agriculteurs et tout au long des 19e et 20e siècles, les cultures y sont apparues, contraignant le rhinocéros à reculer pour trouver refuge dans la forêt, un milieu qui pourtant ne lui sied guère. Par ailleurs, la qualité de l’environnement s’est dégradée au fil du temps, ainsi que le note l’UICN. Dans certaines zones, la prolifération de plantes exotiques dans les prairies où vit le rhinocéros et le surpâturage ont causé d’importants dégâts. Dans le parc national de Chitwan au Népal, qui est le deuxième plus grand habitat naturel du rhinocéros indien, la superficie des prairies a fondu, passant de 20 % à 4,7 % de la surface totale du parc national.
Efforts de conservation
La sauvegarde de cette espèce est souvent présentée comme une réussite car les mesures mises en place ces dernières décennies ont permis d’éviter sa disparition à l’état sauvage et de la ramener au niveau de « vulnérable » selon l’UICN. Aujourd’hui, il existerait plus de 3 500 rhinocéros indiens en Inde et au Népal, alors qu’ils n’étaient que 200 il y a un siècle.
Une législation plus stricte
L’espèce a failli s’éteindre, ce qui a entraîné un sursaut du côté des autorités indiennes et népalaises. Toutes deux ont durci leurs lois en faveur d’une protection beaucoup plus stricte du rhinocéros indien. En Inde, la chasse est interdite dès 1908. A ce moment-là, on estime qu’il ne reste qu’une douzaine d’individus dans le parc national de Kaziranga contre 2 400 aujourd’hui ! Au Népal, elle l’était depuis le 19ème siècle, sauf pour les détenteurs d’un permis délivré par le Maharajah ou le premier ministre. D’ailleurs, de nombreux rhinocéros ont été chassés durant la période 1905-1939 par la famille royale britannique (source : étude « Passé, présent et futur de la conservation du rhinocéros indien au Népal », juillet 2013). A partir des années 1950, la démocratie s’installe et, si l’abattage du rhinocéros n’était autorisé jusqu’à alors que pour les membres de la famille royale, des braconniers se positionnent sur ce créneau, appâtés par le gain que leur rapporte la vente des cornes. Le jeune gouvernement décide de réagir en protégeant l’espèce au niveau national dès 1958. Est aussi créée en 1959 la Gainda Gasti, une patrouille anti-braconnage de 130 hommes armés chargés de protéger le rhinocéros au Népal. Mais la protection des rhinocéros est quelque peu perturbée par la guerre civile, faisant chuter leur nombre à 400 en 2008. Aujourd’hui, ils seraient environ 600 dans le pays.
Au niveau international, le rhinocéros indien est inscrit à l’annexe I de la Cites depuis 1975, son commerce est donc interdit au niveau international.
Le travail d’International Rhino Foundation
Cet organisme dédié à la sauvegarde des rhinocéros dans le monde a lancé en 2005 un programme consacré au rhinocéros indien et baptisé « Indian Rhino Vision 2020 ». Son objectif : faire en sorte que la population sauvage de l’Etat d’Assam en Inde grimpe au minimum à 3 000 individus d’ici 2020. Pour cela, impossible de passer par des réintroductions : cette solution n’est pas apparue comme viable, une tentative réalisée en 1983 au Pakistan s’étant soldée par un échec. L’idée est donc avant tout de faire en sorte que l’essentiel de l’espèce ne vive pas dans un seul et même endroit, comme c’est le cas actuellement au parc national de Kaziranga. Le site protégé pourrait en effet approcher le seuil de sa capacité d’accueil ; pour augmenter les effectifs de l’espèce, il faut impérativement que d’autres populations, ailleurs, se développent. Cela amoindrirait par ailleurs la vulnérabilité aux épidémies ou aux catastrophes naturelles, qui pourraient décimer l’espèce en un temps record.
Le programme Indian Rhino Vision s’est donc donné pour mission de favoriser l’augmentation des populations dans sept zones protégées. Pour cela, l’organisme s’est associé au Département des forêts d’Assam, au Conseil territorial de Bodoland, à WWF et à l’US Fish and Wildlife Service. « Nous déplaçons les rhinocéros des zones surpeuplées, comme le parc national de Kaziranga et la réserve naturelle de Pabitora, vers d’autres zones protégées où ils peuvent se reproduire, détaille la fondation. Parallèlement à la protection stricte continue et à l’engagement de la communauté, la diffusion des rhinocéros indiens dans les aires protégées supplémentaires créera une population plus grande, plus sûre et plus stable. »
Les déplacements de rhinocéros ont démarré en 2008 : en quatre ans, l’organisme a transféré 18 pachydermes de la réserve naturelle de Pabitora à Manas. Une première naissance a même eu lieu en 2012. Malheureusement, International Rhino Foundation a stoppé (du moins pour le moment) les transferts vers Manas car la région connaît une importante recrudescence du braconnage depuis 2013, et 8 rhinocéros ont été tués. Aujourd’hui, Manas abrite une trentaine d’individus et des patrouilles surveillent les environs afin d’éviter que de tels actes ne se reproduisent.
Reproduction
Il n’y a pas de saison plus propice qu’une autre à la reproduction et l’accouplement peut se produire à tout moment de l’année entre deux rhinocéros indiens. La femelle met généralement bas un seul nouveau-né à la fois après une longue gestation de 16 mois. Elle n’aura pas d’autres petits avant une durée minimum de deux ans et demi mais, jusque-là, elle aura déjà beaucoup à faire avec son premier bébé. L’allaitement dure en effet tout au long de la première année puis s’estompe petit à petit, le temps d’habituer le juvénile à la nourriture d’adulte. Le petit peut téter jusqu’à 30 litres de lait et grossir de 2 kg par jour en plein pic de croissance. Même sevré, le jeune rhinocéros restera avec sa mère jusqu’à environ 4 ou 5 ans. La femelle atteint la maturité sexuelle entre 4 et 6 ans et le mâle plus tardivement, entre 6 et 10 ans. L’espérance de vie du rhinocéros indien est comprise entre 35 et 45 ans.
par Jennifer Matas
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