Le rhinocéros noir, de son nom scientifique Diceros bicornis, était autrefois présent par centaines de milliers dans toutes les savanes africaines. Aujourd’hui, à peine 5000 individus subsistent, répartis en trois sous-espèces :
- Diceros bicornis minor, en danger critique d’extinction
- Diceros bicornis michaeli, classée dans la même catégorie
- Diceros bicornis bicornis, quasi-menacée
Indice fort du déclin de l’espèce, la sous-espèce Diceros bicornis longipes a été déclarée éteinte par l’UICN en novembre 2011.
Description du rhinocéros noir
Contrairement à ce que son nom indique, la peau du rhinocéros noir est généralement de couleur grise, tirant parfois sur le marron. Elle est par ailleurs lisse et imberbe, à l’exception de quelques poils courts autour des oreilles. Comme le rhinocéros blanc, il possède deux cornes. La corne nasale mesure environ 60 cm mais quelques cas approchant 130 cm ont déjà été enregistrés. La corne frontale, plus petite, oscille entre 20 et 50 cm. L’espèce ne présente pas de dimorphisme sexuel prononcé, mais les cornes des femelles sont souvent plus longues et plus fines que celles des mâles. Ceux-ci sont, en revanche, généralement plus imposants.
A l’âge adulte, Diceros bicornis mesure entre 140 et 180 centimètres au garrot. Sa longueur varie de 3,5 à 3,8 mètres de long pour un poids allant de 800 à 1400 kg. L’espèce est également dotée d’une queue avoisinant 70 centimètres. Il est donc, d’aspect, plus proche du rhinocéros de Java que du rhinocéros blanc, qui est bien plus imposant.
Le rhinocéros noir possède un crâne trapu et une lèvre supérieure préhensile (qui a la capacité de saisir), en forme de doigt, idéale pour arracher les feuilles des arbres. Celles-ci constituent justement son régime alimentaire ; il les accompagne de branches, de pousses et de buissons épineux. Comme tous les rhinocéros, Diceros bicornis dispose d’une faible capacité visuelle : il peine à discerner une forme à vingt mètres de lui. Il compense cette caractéristique par une ouïe et un odorat très développés. Enfin, parce qu’il voit très mal, cette espèce est réputée imprévisible et agressive : de nombreux incidents relatent une charge de ce pachyderme, capable d’atteindre 45 à 50 km/h, contre un véhicule de touristes.
Localisation et habitat
Autrefois, l’aire de répartition du rhinocéros noir s’étendait sur l’ensemble de l’Afrique sub-saharienne, à l’exception notable du Bassin du Congo et des forêts équatoriales ouest-africaines. L’espèce a désormais disparu de bien des pays et les principales populations se trouvent en Afrique du Sud ainsi qu’en Namibie, au Zimbabwe et au Kenya. Ces quatre pays concentrent environ 98% des effectifs de l’espèce. De petites communautés fragmentées survivent en Tanzanie, Zambie, Bostwana ou au Cameroun, Malawi et Swaziland.
Le rhinocéros noir évolue dans des prairies boisées, savanes et déserts. Sédentaire, il marque généralement les limites de son territoire avec ses excréments. La taille de cette zone varie considérablement selon les régions et l’abondance de nourriture : plus l’habitat est riche, plus le territoire est petit. La zone doit impérativement être pourvue d’une source d’eau et de bains de boue dont le rhinocéros noir ne s’éloigne jamais : cet élément est indispensable à sa survie, il en a besoin pour se rafraîchir.
Menaces
Alors qu’il existait des centaines de milliers de rhinocéros noirs en 1900, ils ne sont plus que 5 000 aujourd’hui. Ce pachyderme n’a pourtant pas de prédateurs naturels, sinon les rares lions et hyènes osant s’attaquer aux plus jeunes individus. Son territoire peut éventuellement être concurrencé par l’éléphant d’Afrique, avec qui il partage le même régime alimentaire, mais ce phénomène n’explique pas une telle chute des effectifs de l’espèce. La raison est bien plus anthropique : chaque année, des milliers de rhinocéros sont la cible des braconniers.
Braconnage
Le braconnage auquel est exposé Diceros bicornis a explosé au cours des dernières décennies. Alors que 800 000 rhinocéros noirs parcouraient l’Afrique au début du XXème siècle, les effectifs ont chuté à 70 000 dans les années 1960, puis à 2400 en 1995. Si la tendance est repartie à la hausse durant une dizaine d’années, le braconnage a finalement redoublé d’intensité. En Afrique du Sud, par exemple, entre 1990 et 2005, environ 200 rhinocéros blancs ou noirs ont été abattus illégalement. Ce nombre a ensuite considérablement augmenté afin de suivre la demande du marché noir : de 83 en 2008, il est passé à 448 en 2011 puis à environ 1200 en 2014 et 2015. Ces emballements successifs sont liés à deux usages traditionnels, la sculpture ornementale et la médecine asiatique.
Dans la seconde moitié du XXème siècle, le premier marché alimenté par le braconnage est celui des objets ornementaux. En Chine, cette demande est relativement stable depuis plusieurs décennies mais, au Yémen, les dagues ornementales en corne de rhinocéros sont très prisées : elles traduisent la richesse du porteur et sont un symbole de pouvoir et de réussite sociale. Entre 1970 et 1990, période pendant laquelle les Yéménites s’enrichissent fortement grâce à l’exploitation du pétrole, la demande de corne dans le pays est déjà multipliée par 20. Cette nation de la péninsule arabique est ainsi érigée en premier importateur de corne du monde… alors qu’elle ne compte que quelques millions d’habitants ! En parallèle, entre 1960 et 1994, les effectifs de rhinocéros noirs chutent de 97%, atteignant un seuil critique de 2500 individus.
Aujourd’hui, le Yemen n’est plus qu’une destination anecdotique des cornes de rhinocéros : elles sont davantage acheminées vers l’Extrême-Orient. Depuis plusieurs millénaires, la corne de rhinocéros réduite en poudre est consommée en Asie. La médecine traditionnelle considère en effet la corne de rhinocéros comme un tonifiant. Elle peut aussi réduire la fièvre ou les hémorragies, être utilisée comme un antipoison ou ralentir les effets de l’alcool. Toutefois, l’explosion récente de victimes du braconnage n’est pas liée aux consommateurs historiques que sont la Chine, le Japon ou la Corée : elle trouve son origine au Vietnam, où la classe moyenne a émergé au cours des dernières années. Dans ce pays de 90 millions d’habitants, une information a circulé au début des années 2000. Un haut responsable aurait miraculeusement guéri du cancer en ingérant régulièrement de la corne de rhinocéros. Depuis, la demande a grimpé en flèche, accompagnant la hausse du braconnage enregistrée dès 2008 : les nouveaux millionnaires vietnamiens sont devenus de fervents consommateurs de corne, et la classe moyenne leur emboîte le pas.
Ces deux marchés se sont révélés très lucratifs et, aujourd’hui, un kilo de corne de rhinocéros peut atteindre 50 000$. Corruption de rangers, armes de guerre, utilisation d’hélicoptères : les braconniers sont désormais organisés en véritables réseaux.
Mesures de conservation du rhinocéros menacé
Le rhinocéros noir est inscrit sur l’annexe I de la CITES depuis 1977, ce qui en interdit toute forme de commerce. L’espèce est également mentionnée dans l’Endangered Species Act, aux Etats-Unis, depuis 1980.
Aujourd’hui, la plupart des rhinocéros noirs évoluent dans des territoires protégés. Des patrouilles armées et entraînées ont été mises en place dans de nombreuses réserves africaines, où les affrontements réguliers entre braconniers et rangers occasionnent souvent des victimes. Dans plusieurs régions, des mesures complémentaires renforcent ces patrouilles : plusieurs rhinocéros noirs se sont vus préventivement amputés de leur corne afin de décourager les braconniers. L’opération, qui se déroule après avoir endormi l’animal, est indolore : elle revient à couper un ongle. Malheureusement, les braconniers n’hésitent pas à abattre ces animaux soit en représailles, soit pour ne plus perdre de temps à suivre leurs traces. D’autre part, la mise en oeuvre de cette méthode est très chère et, à l’état sauvage, ces animaux ont besoin de leurs cornes pour se défendre et pour protéger les plus jeunes. Si cette idée avait pour but de supprimer les velléités des braconniers, les résultats obtenus sont donc pour le moins contestés.
Certains préconisent également la levée de l’interdiction du commerce de cornes, arguant du fait que la prohibition augmente le prix de la corne sur le marché noir et, par conséquent, encourage les braconniers à poursuivre leurs exactions. Les partisans de cette thèse, dont font notamment partie des gardiens et des responsables de parcs nationaux, soutiennent que libéraliser le marché permettrait de mieux le contrôler. De plus, les profits engrangés par la vente légale de corne pourraient être réutilisés pour la protection des animaux. En Afrique du Sud, par exemple, une bataille judiciaire est en cours : les éleveurs privés peuvent d’ores et déjà vendre en toute légalité des cornes de rhinocéros sur le marché intérieur.
Parmi les autres possibilités, la migration d’individus en Australie ou aux Etats-Unis est également souvent évoquée. Reconstituer des populations dans ces pays pourrait permettre de mieux les protéger des exactions des braconniers. Autre piste : récemment, Pembient, une entreprise américaine spécialisée en biotechnologies, a synthétisé des cornes de rhinocéros artificielles afin d’alimenter le marché asiatique. Cette idée peut sembler éthiquement contestable, puisqu’elle justifie l’usage thérapeutique de la corne alors que celui-ci ne s’appuie sur aucune preuve scientifique, mais elle pourrait partiellement réduire le marché noir.
De l’autre côté de la planète, en Asie, nombreux sont ceux qui s’efforcent de sensibiliser les consommateurs de corne et de modifier leurs habitudes. Spots publicitaires, bandes dessinées, sanctions pénales… D’importants moyens sont mis en oeuvre afin de réduire la demande, ce qui ferait de facto cesser le braconnage.
Les mesures déjà mises en oeuvre ont permis d’accroître la population de rhinocéros noirs : de 2400 en 1994, les effectifs de l’espèces avoisinent désormais 5 000 individus. Ces méthodes ont bien entendu un coût. Entre 1962 et 2001, le WWF a à lui seul dépensé plus de 42 millions d’euros pour protéger les rhinocéros noirs. Les gouvernements africains ont, eux, parfois recours à des financements pour le moins polémiques : la vente aux enchères de permis de chasse. En janvier 2014, par exemple, un américain a acheté aux enchères un permis de chasse namibien à 350 000 dollars. Il a ainsi gagné le droit d’abattre un rhinocéros noir. Celui-ci avait été identifié par le ministère de l’Environnement : trop âgé pour se reproduire, il représentait une menace pour les jeunes individus. L’argent a été entièrement alloué à la protection des rhinocéros noirs et la viande a été utilisée par une communauté locale, mais la méthode fait débat.
Enfin, de nombreux parcs zoologiques relâchent régulièrement des individus dans la nature. Plusieurs réintroductions ont déjà permis à des rhinocéros noirs de retrouver leur aire de répartition historique. En Europe, ce programme d’élevage est géré par le zoo de Chester, près de Liverpool (Royaume-Uni).
Reproduction
Le rhinocéros noir est un animal solitaire : il ne recherche la compagnie de ses congénères qu’en période de reproduction. Quelques groupes de femelles sans progéniture ont cependant déjà été observés.
Polygames, les mâles suivent la trace des femelles grâce au fumier qu’elles laissent derrière elles ; ils n’hésitent pas à racler et étaler les bouses afin d’induire en erreur leurs éventuels rivaux. Ils restent ensuite durant quelques jours auprès de la femelle qui, si elle n’est pas prête à se reproduire, se montrera agressive afin de repousser le mâle. Finalement, l’accouplement dure entre 30 minutes et une heure et a lieu plusieurs fois par jour.
La période de gestation est d’environ 15 mois et une portée ne compte qu’un seul petit. Celui-ci pèse entre 20 et 40 kg à la naissance et est très vulnérable : sa mère, très protectrice, le garde caché durant la première semaine. A l’issue de cette courte période, le petit commence à suivre sa mère. A un mois, il est capable de se nourrir seul et, à deux ans, le sevrage a lieu. La mère et son petit peuvent encore rester ensemble plusieurs années, surtout si le jeune rhinocéros est une femelle. Dans ce cas-là, la séparation peut par exemple intervenir à la naissance d’un nouveau petit, deux à quatre ans plus tard. Elle peut aussi avoir lieu bien après, lorsque la jeune rhinocéros atteint sa maturité sexuelle, entre 5 et 7 ans. Pour les mâles, celle-ci ne sera atteinte qu’à l’âge de 8 ans environ. Enfin, l’espérance de vie d’un rhinocéros noir est d’environ 50 ans.
1 réponse to “Le rhinocéros noir”
28.01.2021
brightmerci pour info