Petit primate arboricole, le tamarin pinché ou tamarin à crête blanche est endémique de Colombie, où il est grandement menacé par la déforestation. Un triste constat émerge aujourd’hui : il existe plus de tamarins pinché dans les parcs zoologiques qu’à l’état sauvage.
Description du tamarin pinché
Le tamarin pinché, Saguinus oedipus de son nom scientifique, est un petit singe aisément identifiable par la longue crinière blanche qui orne sa tête et tombe sur ses épaules. Un duvet de poils blancs recouvre également son visage mais il est très fin, à peine visible : la face paraît donc noire et nue. Son dos est brun et son ventre est blanc ou jaunâtre. La base de sa queue est d’un brun rougeâtre alors que son extrémité est presque noire.
Le poids moyen d’un tamarin à crête blanche est d’environ 430 gr pour une taille de 21 à 26 cm. Sa queue mesure quant à elle entre 30 et 40 cm. Celle-ci n’est par ailleurs pas préhensile : il ne peut saisir d’objets ou s’agripper à une branche grâce à elle. Elle ne lui est utile que pour stabiliser ou corriger ses trajectoires lorsqu’il bondit de branche en branche.
Contrairement à plusieurs autres espèces de tamarins, les pouces de Saguinus oedipus ne sont pas opposables et ses doigts ne sont pas munis d’ongles mais de longues griffes : ces caractéristiques morphologiques placent l’espèce parmi les singes les plus primitifs.
Habitat et localisation
A l’état sauvage, le tamarin à crête blanche n’est recensé qu’au nord-ouest de la Colombie, sur un territoire relativement restreint se situant approximativement entre le Rio Atrato, le Rio Cauca, le Rio Magdalena et la côte Atlantique. L’espèce n’évolue désormais plus qu’au sein de parcs nationaux. Le parc Paramillo, qui s’étale sur environ 500 km², abrite par exemple l’une des plus importantes communautés de Saguinus oedipus. Le parc Los Katíos, dans la région du Darién, pourrait également préserver plusieurs spécimens.
Les tamarins à crête blanche peuvent être observés dans une grande variété d’environnements : forêts primaires et secondaires, humides ou sèches (respectivement au sud et au nord de son aire de répartition), au niveau de la mer ou en amont du Rio Sinu, à environ 1500 mètres d’altitude. Presque exclusivement arboricoles, il est très rare de les voir évoluer au sol. Fruits, graines, nectar de fleurs, résine, gomme, sève des arbres et autres produits végétaux composent environ 40 % de leur régime alimentaire. Le reste est d’origine animale : insectes et araignées sont les proies les plus communes de ce tamarin, mais il lui arrive aussi de chasser de petites grenouilles, des lézards, et parfois même des oiseaux !
Menaces
L’UICN considère aujourd’hui qu’en l’espace de trois générations, soit moins de 20 ans, les effectifs de tamarins à crête blanche ont diminué de 80%. L’espèce est aujourd’hui en danger critique d’extinction.
Déforestation
La principale menace pesant aujourd’hui sur l’espèce est la déforestation. Celle-ci est particulièrement marquée en Colombie : entre 150 000 et 250 000 hectares y disparaissent chaque année, ce qui en fait l’un des 10 pays montrant le plus fort taux de déboisement du monde. La principale cause de ce déboisement intensif est la culture d’une plante entrant dans la composition de la cocaïne : la coca. La Colombie en est le premier producteur mondial mais sa culture épuise les sols, ce qui conduit les paysans à grignoter chaque année un peu plus la forêt. S’il est difficile d’établir avec précision les conséquences de ce phénomène sur les écosystèmes, les rapports officiels évoquent que 73 % de la déforestation est liée à l’agriculture dans sa globalité (ce qui inclue par exemple l’élevage bovin, mais aussi la culture de marijuana et d’opium), 12 % sont liés à l’exploitation du bois et 11 % aux feux de forêts. Les forêts protégées ne sont par ailleurs pas épargnées : le Paramillo, le Montes de Maria et le Colorados, les trois principaux parcs abritant des tamarins pinchés, ont perdu respectivement 42%, 70% et 71% de leur superficie initiale. La construction d’un barrage, le Urra I, a par exemple entraîné la suppression de 7 000 hectares de forêts primaire et secondaire dans le Paramillo.
Selon l’UICN, Saguinus oedipus a ainsi vu son aire de répartition historique réduite de 75%. Les communautés sont désormais très fragmentées, dispersées à travers le paysage colombien.
Le commerce international
Entre 1960 et 1975, la Colombie a exporté entre 20 000 et 40 000 tamarins à crête blanche à des fins de recherche médicale. L’engouement scientifique pour cette espèce s’explique par le fait que les populations captives développaient spontanément de sévères colites, ce qui accroît le risque d’apparition de certains cancers du colon. Causes des colites, lien entre les maladies, efficacité des traitements… Des dizaines de milliers de spécimens ont ainsi été étudiés en laboratoire afin d’améliorer les connaissances scientifiques sur ces maladies. Ce prélèvement très important a fortement contribué à réduire les effectifs de l’espèce à l’état sauvage.
Le commerce international lié à la recherche médicale est aujourd’hui terminé mais les tamarins pinché sont toujours vendus localement en tant qu’animaux de compagnie.
Mesures de conservation du primate menacé
Dès 1974, la Colombie a interdit la vente de tamarins pinché, mettant un coup d’arrêt aux exports internationaux. Saguinus oedipus est aujourd’hui sur l’Annexe I de la CITES, ce qui en interdit tout prélèvement à des fins commerciales. Cependant, si les effectifs des populations captives sont nettement plus faibles qu’auparavant, l’espèce fait toujours l’objet d’un triste constat : sur les quelques 6 000 spécimens recensés à travers le monde, 2 000 seulement vivent à l’état sauvage.
Créé en 1985 en Colombie, le « Projet Tamarin » (Proyecto Titi) est l’un des principaux espoirs de survie de l’espèce. Né d’un partenariat entre biologistes, ONG et autorités, le Projet a pour but d’assurer la conservation du tamarin à crête blanche sur le long terme en actionnant différents leviers comme l’éducation des populations locales, la protection des forêts ou la recherche scientifique.
Plusieurs grandes réussites ont été enregistrées par le Projet Tamarin en 2015. Une nouvelle antenne de l’organisation et une nouvelle réserve de 70 hectares ont été inaugurées à San Juan Nepomuceno, proche du parc Los Colorados. Ces dernières permettront notamment d’éduquer la jeune génération, de sensibiliser les populations locales et de protéger la forêt. Un programme de protection et de restauration de la forêt tropicale est également en cours d’élaboration dans cette région et devrait être mis en place dès 2016.
L’organisation porte en parallèle de nombreux projets auprès des enfants, notamment afin de réduire les captures de singes pour en faire des animaux de compagnie. 1 500 écoliers ont été touchés cette année, et certains sont devenus des ambassadeurs de la protection du tamarin pinché. Au niveau local, le Projet a également réussi à mettre en place un programme de recyclage du plastique ; près de 5 tonnes de déchets ont ainsi été transformées en poteaux de clôture, ce qui réduit les besoins en bois des communautés.
En parallèle de ces actions de terrain, le Projet Tamarin mène plusieurs études scientifiques afin de comprendre le comportement de l’espèce et surveille les populations recensées : l’espèce est donc particulièrement documentée. L’engagement de l’organisation a même été reconnu au niveau international en avril 2015 : Rosamira Guillen, directrice de la fondation, a été récompensée d’un Whitley Award, aussi appelé Green Oscar. Remise par la Whitley Fund of Nature, cette distinction a permis à l’association de récolter plus de 50 000 dollars supplémentaires.
Reproduction du tamarin pinché
Les tamarins pinché vivent au sein de communautés comptant en moyenne sept membres. La taille des groupes peut toutefois fortement varier : certains ne sont formés que d’un couple, d’autres par une famille de près de vingt individus. Dans la plupart des cas, la reproduction n’est assurée que par le couple dominant ; ces primates sont donc monogames. La femelle dominante tolère rarement la concurrence et peut même exclure du groupe sa propre fille si celle-ci a été fécondée.
Comme c’est le cas chez les autres espèces de tamarins, la femelle donne généralement naissance à des jumeaux, mais la portée peut également être unique (20 à 30 % des cas) ou triple (2 % des cas). Les naissances interviennent le plus souvent entre avril et juin, ce qui correspond à la période où la nourriture est la plus abondante.
Fait étonnant, l’ensemble du groupe joue un rôle particulièrement important dans la survie des nouveau-nés : tous les mâles, même les plus récemment intégrés, portent les petits, les nourrissent, les protègent et jouent avec eux. Cette répartition des tâches permet d’une part à la femelle de se reposer après sa gestation de 140 jours, et d’autre part aux mâles d’apprendre à veiller sur les juvéniles et, peut-être, de devenir le prochain reproducteur.
Le petit tamarin à crête blanche peut être considéré comme indépendant à partir de 12 semaines de vie. Avant cela, il doit notamment apprendre à se déplacer seul, ce qu’il parvient généralement à faire autour de la 9ème semaine, et à trouver sa propre nourriture. Le sevrage est réalisé autour de la 10ème semaine, mais les petits continuent à dormir sur le dos de leur parent jusqu’au 7ème mois. La maturité sexuelle de Saguinus oedipus est atteinte à 24 mois pour les mâles et à 18 mois pour les femelles. A l’état sauvage, l’espérance de vie de l’espèce est d’environ 13 ans.
En savoir plus
Les tamarins pinché sont capables de produire 38 sons différents ! L’acquisition du langage se fait autour de la 20ème semaine et permet par exemple d’avertir de l’approche d’un prédateur ; les cris seront différents selon qu’il s’agisse d’un serpent, d’un ocelot ou d’un rapace.
5 Réponses to “Le tamarin pinché”
22.05.2018
MaximJ’ai beaucoup aimé cette page car je fais un projet à l’école et j’ai pratiquement juste utilisé ce site.
Merci
19.06.2017
JohnUn grand merci pour toutes ces informations. Je travaille dans un zoo qui possède deux tamarins pinché. Ce sont des singes très peureux, regardant toujours ce qui se passe autour d’eux (et surtout le ciel) lorsqu’ils sortent. Mais très attendrissant et un lien de confiance se fait avec son soigneur. Un animal magnifique.
05.05.2017
Mickael chayermerci pour vos informations cela va aider pour une présentation orale a l’école
09.04.2017
SaraQuels seraient les intéractions du Tamarin pinché avec les éléments biotiques et abiotiques de leurs écosystèmes? Répondez vite s.v.p
Merci
12.04.2017
Espèces MenacéesBonjour Sara,
Nous vous avons envoyé un mail 😉