
Elusor macrurus est une tortue peu commune… dans tous les sens du terme : classée « en danger » (EN) par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’espèce fait partie des 30 reptiles les plus menacés au monde d’après un classement de la société zoologique de Londres, paru en 2018. Mais elle se distingue également par des caractéristiques physiques hors du commun.
Description de la tortue de la Mary River
Une tortue d’eau douce atypique
Ce reptile est une tortue aquatique vivant en eau douce. Adulte, sa carapace est lisse, plutôt terne et dépourvue de tout motif. Il existe un dimorphisme sexuel : les mâles pèsent en moyenne 5,5 kilos et leur carapace mesure 420 mm tandis que les femelles sont plus petites et pèsent 3,5 kilos pour une carapace d’environ 340 mm. Autre distinction, la queue est plus longue chez les mâles – jusqu’à 70 % de la longueur totale de la carapace ! – ce qui est rare chez les tortues d’eau douce. Chez les deux sexes, la tête semble petite en comparaison avec la taille du reste du corps.
La tortue de la Mary River possède la particularité de respirer par des glandes situées dans son cloaque, c’est-à-dire son appareil génital qui se situe au niveau de sa queue. Une fonction qui lui permet de rester sous l’eau jusqu’à trois jours sans avoir à remonter à la surface, à condition que l’eau soit suffisamment riche en oxygène.
Un look de punk
Avec autant de temps passé immergée, la tortue de la Mary River finit souvent par voir pousser des algues sur sa tête et sur sa carapace, ce qui lui vaut le surnom de « tortue punk » dans de nombreux médias. Pour ajouter à ce look peu banal, elle dispose de quatre barbillons situés sous sa bouche, dont deux plus proéminents que les autres.
A noter qu’il existe deux types de tortues aquatiques : celles à cou long et celles à cou court. Elusor macrurus appartient à cette dernière catégorie. Les mâles sont agressifs les uns envers les autres. Ils vivent donc le plus éloigné possible et préfèrent une existence solitaire. Ce n’est qu’au moment de la saison des amours qu’ils partent à la recherche d’une partenaire pour s’accoupler.
Habitat
Cette tortue d’eau douce est endémique de l’Australie et plus précisément du fleuve Mary qui coule dans le sud-est du Queensland et dont elle tire son nom. Le Mary prend sa source à l’intérieur des terres un peu plus au Sud, du côté de Booroobin et se jette 310 km plus loin au Nord, dans le détroit du Great Sandy qui relie la mer de Corail à l’océan Pacifique.
On ne la trouve cependant pas tout le long du Mary. Cette tortue n’apprécie en réalité que les portions de cours d’eau très bien oxygénés, où l’eau est peu profonde et l’écoulement plutôt rapide. Elle est ainsi davantage présente du côté de Gympie, une ville qui borde le Mary à environ 170 km au Nord de Brisbane, et dans le ruisseau Tinana, vers Maryborough, juste avant que le fleuve ne se jette dans la mer de Corail. Lorsqu’elle remonte à la surface, la tortue de la Mary River aime se prélasser au soleil.
Menaces
Le commerce des animaux de compagnie
La tortue de la Mary River a beaucoup souffert de ce commerce. Dans les années 1960-1970, alors que la communauté scientifique ne l’avait pas encore identifiée comme une espèce à part – ce qui ne sera fait qu’en 1994 – le prélèvement de ses œufs en vue de vendre les petits comme animaux de compagnie est à son comble. Une poignée de personnes se sont spécialisées dans cette activité très lucrative et ont collecté plus de 15 000 œufs par an entre 1962 et 1974, ainsi que le rapporte Wildlife Preservation Society of Queensland. A cette époque, les juvéniles sont vendus comme étant des Elseya latisternum, une autre espèce de tortue d’eau douce endémique de l’Australie, et commercialisées sous le nom de « penny turtles ». Mais les passionnés et les biologistes constataient bien dans les animaleries qu’il s’agissait d’une espèce distincte. Il leur a fallu de nombreuses années et beaucoup d’abnégation avant de découvrir où vivaient ces individus dans la nature et parvenir à les répertorier, enfin, comme espèce à part. Seulement, le mal était déjà fait : les années de prélèvement des œufs ont décimé toute une génération et les populations restantes se sont retrouvées réduites et vieillissantes, peu aptes à assurer le renouvellement naturel de l’espèce.
La destruction des œufs
Aujourd’hui, les œufs de la tortue de la Mary River ne sont plus menacés par le prélèvement par la main de l’Homme mais par des prédateurs. Les renards – une espèce invasive introduite par les premiers colons pour pouvoir continuer leurs parties de chasse à courre en Australie –, les chats sauvages et les chiens commettent de nombreux dégâts lorsqu’ils débusquent un nid. Autre facteur à risque : le bétail. Lorsqu’elles pâturent aux abords du Mary, les bêtes piétinent en effet les nids de tortues, détruisant les œufs avant même leur éclosion. « Cette menace peut aujourd’hui éliminer une nouvelle génération de tortues et mettre ainsi l’espèce en danger critique d’extinction », craint le département de l’environnement du Queensland. Depuis les années 1970, le nombre de nids a chuté de 95 % le long du Mary.
La dégradation de son habitat
En plus de cela, la tortue de la Mary River souffre de la pollution croissante de son milieu naturel. Comme évoqué plus haut, ce reptile a besoin de vivre dans une eau riche en oxygène et de très bonne qualité. Or, le fleuve Mary comme un grand nombre d’autres cours d’eau se dégrade depuis une vingtaine d’année. Certains tronçons ont par ailleurs été défrichés pour être transformés en pâtures pour le bétail et l’exploitation commerciale du sable en amont de l’aire de répartition d’Elusor macrurus joue également sur le débit, ce qui bouleverse son micro-habitat.
Conservation d’Elusor macrurus
Jusqu’à présent, aucun plan de conservation n’a été mis en place pour protéger cette espèce. Sydney a bien des programmes de conservation de certaines espèces menacées, mais aucun ne concerne un reptile. Un plan de rétablissement de la tortue de la Mary River avait pourtant été suggéré en 2013, mais le gouvernement australien ne l’a jamais approuvé, comme le rappelle The Guardian.
Mais la presse internationale s’est entichée de cette tortue punk et les choses commencent à bouger. Tiaro Landcare Group, une ONG basée à Tiaro, petite ville du Queensland, se bat depuis plusieurs années pour que soit créé un plan de sauvegarde. Elle a notamment lancé en 2018 une campagne pour récolter des dons, estimant que 40 000 dollars par an suffiraient à sauver l’espèce de l’extinction.
Ses bénévoles sont déjà en action sur le terrain. Leur mission : identifier les sites de nidifications et protéger les nids à l’aide de clôtures ou, lorsque ce n’est pas possible où en cas de risque d’inondation, les déplacer pour les mettre à l’abri. Près de 80 % des œufs protégés produisent des nouveau-nés. Grâce à ces mesures, Tiaro Landcare Group espère sauver 1 000 tortues de la Mary River chaque année.
Reproduction
Comme beaucoup de tortues aquatiques et terrestres, ce reptile atteint la maturité sexuelle tardivement, vers l’âge de 25 à 30 ans.
L’espèce est ovipare, ce qui signifie que la femelle pond des œufs. Au moment de la ponte, entre les mois d’octobre et de décembre, elle quitte le lit de son fleuve pour rejoindre la terre ferme et l’un de ses sites de nidification. Elle y dépose en moyenne une quinzaine d’œufs et les enfouit dans le sable afin de les protéger de tout danger éventuel.
A l’éclosion, après 50 jours d’incubation, les petites tortues n’ont qu’un objectif : rejoindre le fleuve. Elles doivent alors parcourir les quelques mètres qui les séparent du Mary en espérant ne pas croiser la route d’un prédateur.
1 réponse to “La tortue de la Mary River”
26.11.2021
Miko lamyC’est vraiment intéressant j’ai appris plein de choses palpitantes mais surprenantes, beau travail.