Aussi appelé triton d’Okinawa en raison de son lieu d’origine, Cynops ensicauda est un urodèle, autrement dit un amphibien à queue comme toutes les espèces de tritons et de salamandres. Deux sous-espèces existent :
- Cynops ensicauda ensicauda
- Cynops ensicauda popei
Présentation
Caractéristiques physiques
Si on voulait faciliter les choses, on pourrait dire que le triton à queue d’épée a une tête de grenouille et un corps de lézard. En fait, il partage quelques similitudes physiques avec les salamandres comme la salamandre géante de Chine, elle aussi très menacée. La morphologie globale du triton ressemble en effet à celle d’une salamandre, à la différence notoire que la queue du triton est plutôt aplatie sur les côtés tandis qu’elle est en forme de cylindre chez la salamandre.
Le triton à queue d’épée, quant à lui, arbore un duo de couleurs tout en contraste. En effet, tandis que le dos et toute la partie supérieure de l’animal sont brun foncé voire noirs, le ventre et la partie inférieure sont de couleur orange-jaune. Cette couleur très vive sert en réalité d’avertissement aux éventuels prédateurs. Elle signifie que l’animal est toxique et qu’il causera beaucoup de torts à celui qui aurait la mauvaise idée de le croquer. De nombreuses espèces comme le crapaud à ventre jaune des Appenins par exemple utilisent cette technique pour se défendre. On appelle cela « aposématisme ». Deux lignes orangées très fines sillonnent également son dos de part et d’autre de la crête dorsale qui s’étend de la base de la tête jusqu’à la pointe de la queue. Ces lignes orangées sont plutôt discrètes et il peut arriver que des taches dorées, de formes et de tailles irrégulières, parsèment également le dos. Le ventre peut lui aussi présenter quelques taches brunes ci et là, selon les individus. Chaque triton à queue d’épée est donc unique.
A chacune de ses quatre pattes, le triton d’Okinawa compte quatre doigts plutôt courts, mais c’est surtout de sa queue qu’il se sert pour se déplacer. Aussi longue que le corps – voire même encore plus longue chez les femelles – elle lui permet en effet de se propulser avec force dans l’eau et de se diriger aisément.
Il existe un léger dimorphisme sexuel puisque les femelles sont généralement plus grandes que les mâles et leur queue dépasse la taille de leur corps, ce qui n’est pas le cas chez ces messieurs. Les plus gros gabarits féminins peuvent atteindre les 18 cm de long et les mâles 12 à 13 cm en moyenne, queue comprise.
Régime alimentaire
Le triton d’Okinawa est carnivore. Il se nourrit principalement d’invertébrés comme des vers de terres, des larves d’insectes, de petits escargots, des crustacés et parfois même des œufs de sa propre espèce. Raison pour laquelle au moment de la ponte, les femelles ont plutôt intérêt à trouver des endroits isolés où déposer leurs petits !
Habitat du triton à queue d’épée
Sans surprise puisque son nom l’indique, le triton d’Okinawa est endémique du Japon. On le trouve plus particulièrement sur une douzaine d’îles de l’archipel Ryukyu, dont les îles du groupe Amani, rattachées à la préfecture de Kagoshima et celles de la préfecture d’Okinawa. Ces îles se situent en mer de Chine orientale, à l’extrême Sud du Japon. Au total, sa zone d’occurrence ne dépasse pas les 5 000 km² et sa population est très fragmentée.
Comme tous les tritons du genre cynops – le Japon en compte deux espèces à savoir le triton à queue d’épée (Cynops ensicauda) et le triton à ventre de feu (Cynops pyrrhogaster) avec qui on le confond souvent – ce batracien est très aquatique. Il préfère donc les milieux inondés à la terre ferme. D’ailleurs, il convient de rappeler que les tritons tirent leur nom de Triton, divinité grecque de la mer issu de l’union entre Poséidon et Amphitrite. Il vit donc principalement dans les marais, les sols humides des forêts subtropicales et des prairies et même parfois dans les rizières. Il faut dire qu’il n’aime pas beaucoup le courant et préfère de loin les eaux calmes ou stagnantes.
Menaces
Du fait de sa peau qui sécrète un puissant neurotoxique, Cynops ensicauda n’a pas de prédateur naturel. Pourtant, l’espèce voit sa population diminuer jusqu’à faire partie des espèces « en danger » (EN) de la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Depuis octobre 2020, son statut a été révisé et l’espèce est désormais classée « vulnérable » (VU).
Dégradation de l’habitat
Le triton à queue d’épée n’est pas compliqué et peut tout aussi bien vivre dans des milieux naturels – comme les petits ruisseaux – qu’artificiels comme les rizières. Pourtant, l’espèce est menacée par la dégradation de son habitat à plus d’un titre. D’abord, la déforestation et l’aménagement des territoires au profit de constructions urbaines a réduit drastiquement son aire de répartition au cours des dernières décennies. Or, l’espèce est très territoriale et n’a donc pas pour habitude d’abandonner son habitat pour en trouver un autre moins hostile. Résultat, il arrive souvent qu’à la suite de la construction d’une route, les tritons à queue d’épée des environs restent vivre aux abords des caniveaux qui la bordent et y descendent parfois pour trouver de la nourriture. Mais ces habitats de béton sont en fait de véritables prisons desquelles ils ne peuvent s’échapper une fois que les pluies cessent. Pris au piège, la plupart meurt de dessiccation : leurs corps s’assèchent et perdent toute leur humidité.
Ces bouleversements entraînés par les activités anthropiques sont encore plus graves lorsqu’ils se produisent sur les sites de reproduction des tritons à queue d’épée. Privées d’endroits où se reproduire et élever leurs larves, les populations sauvages de tritons ne peuvent se renouveler correctement, ce qui accentue leur déclin.
Commerce
Les populations sauvages de tritons à queue d’épée ont aussi été décimées par les nombreux prélèvements d’individus. La plupart des tritons ont servi à alimenter le marché des animaux de compagnie. D’autres ont été utilisés dans la médecine traditionnelle chinoise, principalement à Taïwan. Ces captures sauvages semblent se poursuivre, raison pour laquelle il est important de garder confidentiels les sites où vivent les populations restantes. Malgré les torts causés par ce commerce, l’espèce n’est pas protégée par la CITES. Son commerce international n’est donc pas interdit à l’heure actuelle.
Introduction d’espèces invasives
Les tritons d’Okinawa sont également menacés par l’introduction d’espèces envahissantes, et notamment de poissons du genre Tilapia. Habituellement originaires d’Afrique australe, ces poissons sont très appréciés pour leur chair et font l’objet d’un élevage intensif dans de nombreux pays. Ils s’imposent même au deuxième rang des poissons d’élevage dans le monde, derrière la carpe. Problème : ils sont extrêmement voraces et se nourrissent de phytoplancton, de plantes aquatiques et… de petits invertébrés comme le triton à queue d’épée. Relâchés dans les mêmes milieux, ils lui font concurrence pour la recherche de nourriture, épuisant le nombre de proies disponibles.
Efforts de conservation
Il existe très peu d’information autour de la conservation de Cynops ensicauda. Malgré son niveau de menace préoccupant, aucun programme de sauvegarde dédié n’a été mis en place par le gouvernement japonais. De même, la CITES n’interdit pas son commerce international. En revanche, le triton à queue d’épée profite de mesures de protection de la biodiversité par ruissellement. C’est ce qui se produit lorsque les régions où il vit deviennent des aires protégées par exemple. Au Japon, 228 régions ont été désignées « zones clés pour la biodiversité ». Parmi elles, plusieurs se trouvent dans la région Yambaru, l’île Iriomote et les îles Yaeyama où vit le triton à queue d’épée. La région Yambaru a même été désignée parc national en 2016 et pourrait prochainement être inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Quant à l’île d’Iriomote, plusieurs zones ont été classées « zones spéciales ». Par ailleurs, « des efforts ont été fournis pour protéger ces écosystèmes et les espèces endémiques qui y vivent », souligne le ministère japonais de l’environnement.
Reproduction
Comme pour son habitat, le triton à queue d’épée privilégie les milieux aquatiques pour se reproduire. Le mâle et la femelle s’accouplent donc généralement dans des petits cours d’eau. Lorsque démarre la saison des amours, généralement entre les mois de mars et juillet, le mâle choisit une partenaire et la suit pour lui montrer son intérêt. Il la pousse, la renifle, lui barre la route… Bref, fait tout ce qu’il peut pour attirer son attention. Puis, il dépose au fond de l’eau une sorte de cocon renfermant tous ses spermatozoïdes appelé « spermatophore ». Il exécute ensuite une parade nuptiale – une sorte de danse qu’il réalise à l’aide de sa queue – afin de séduire la femelle. Il espère l’encourager à passer au-dessus de ce spermatophore et l’aspirer avec son cloaque, car c’est ainsi que se passe la fécondation chez les tritons et non par un accouplement direct. Lors de cette période, il peut arriver que la queue du mâle se pare d’un éclat blanchâtre.
Après une période d’incubation, la femelle pond plusieurs dizaines d’œufs (jusqu’à 60 maximum). Elle nidifie habituellement dans l’eau, mais peut aussi le faire plus rarement sur la terre ferme à condition qu’il s’agisse d’un milieu très humide. Mesurant environ 3 mm, les œufs sont collants et s’attachent aux brins de plantes aquatiques qui se trouvent dans les environs, le temps d’éclore au bout de deux semaines et de donner naissance à des larves semblables à des têtards. Puis, la métamorphose se poursuit pendant plusieurs mois. Progressivement, la larve grandit et se développe étape par étape jusqu’à arborer toutes les caractéristiques physiques du triton adulte. Il semblerait que les juvéniles aient plutôt une vie terrestre le temps de terminer leur métamorphose et de développer correctement leurs branchies externes. Ils ne rejoignent définitivement l’eau qu’une fois leur maturité sexuelle atteinte, vers l’âge de 2 à 3 ans.
D’après les observations qui ont été faites sur des individus en captivité, l’espérance de vie du triton à queue d’épée pourrait dépasser les 20 ans. A cet âge-là, les femelles peuvent même continuer à pondre !
1 réponse to “Le triton à queue d’épée”
04.04.2019
Tyler Thomasj’ai sauvé 3 déjà!