Si Madagascar compte une centaine d’espèces de lémuriens, la plupart sont aujourd’hui en déclin. Parmi les plus menacées, Varecia variegata, le vari noir et blanc, a perdu environ 80 % de sa population en vingt ans. L’UICN classe l’espèce dans la catégorie « en danger critique d’extinction ».
Présentation du lémur vari
Le lémur noir et blanc est un primate arboricole de Madagascar. On peut l’observer de jour et plus particulièrement tôt le matin et en fin d’après-midi. Il s’agit du second lémurien le plus grand après l’Indri Indri qui peut mesurer jusqu’à un mètre. Le vari noir et blanc se contente pour sa part d’un corps de 50 à 60 cm, prolongé par une queue de taille équivalente, pour un poids allant de 3 à 4,5 kg. Doté d’une fourrure plus épaisse que celle des autres lémuriens, Varecia variegata est noir et blanc, comme son nom l’indique, mais aucun individu n’est identique, les tailles et les localisations de blanc et de noir variant d’un animal à l’autre. Par ailleurs, les populations du nord possèdent le dos noir tandis que leurs cousins du sud ont tous un dos blanc. Mais de façon immuable, le visage, le haut de la tête, les mains, les pieds et la queue sont noirs tandis que les oreilles et les pattes arrières seront toujours blanches !
Régime alimentaire
Comme tous les lémuriens, le vari noir et blanc se nourrit essentiellement de fruits, mais il ne dédaigne pas non plus les pousses des feuilles, les fleurs et surtout le nectar sucré. De cet amour pour ce dernier est née une anecdote : Varecia variegata serait le plus grand pollinisateur du monde ! En effet, il raffole du nectar des fleurs de ravinala – emblème de Madagascar également surnommé arbre voyageur -, une plante ornementale qui produit des fruits bleu vif. Lorsque le primate vient succomber à la tentation, le pollen se dépose sur sa fourrure ; Varecia variegata la transporte ensuite d’arbre voyageur en arbre voyageur et permet la pollinisation du ravinala. Une relation d’entraide involontaire en somme !
Comportement social
Les lémurs noir et blanc vivent en groupe de 3 à 16 membres dominé par une femelle. Quand cela est nécessaire, le groupe peut procéder à ce qu’on appelle une « fission / fusion », lorsque la nourriture se fait rare par exemple. Le groupe se fragmente alors en plusieurs clans plus restreints qui se séparent pour chercher des fruits. Pour communiquer entre eux, ces lémuriens utilisent bien sûr des vocalises très puissantes comme nombre d’autres primates, mais Varecia variegata fait également appel à l’odorat. Les mâles frottent le haut de leur corps pour déposer leur odeur et les femelles, en revanche, utilisent leur fessier.
Localisation des sous-espèces de Varecia variegata
Si la fourrure du vari noir et blanc est particulièrement épaisse, c’est que l’espèce vit dans la canopée, la partie haute et parfois fraiche, des forêts humides de basse et moyenne altitude. C’est pourquoi dès que le soleil se lève, le primate part s’allonger au soleil en écartant les bras pour mieux réchauffer son pelage.
Le vari noir et blanc se répartit en trois sous-espèces toutes présentes dans l’est de l’île de Madagascar :
- Varecia variegata subcincta parfois appelé lémur vari à ceinture blanche : il s’agit de la sous-espèce de varis noir et blanc qui vit le plus au nord ! Elle évolue dans le parc national de Mananara-Nord et a été introduite dans les années 1930 sur l’île de Nosy Mangabe où elle est toujours visible. Cette sous-espèce est présente en captivité mais peu représentée avec seulement 38 lémuriens en 2009.
- V. v. variegata : uniquement présente dans les forêts de basse altitude, cette sous-espèce vit dans plusieurs zones protégées : le parc national de Zahamena et les réserves de Betampona, Ambatovaky et de Marotandrano. C’est V. v. variegata qu’on rencontre le plus souvent dans les zoos mondiaux. En 2009, 770 individus vivaient en captivité.
- V. v. editorum : la sous-espèce qui vit le plus au sud est visible dans les parcs nationaux de Mantadia, de Ranomafana et la réserve spéciale de Manombo. A priori, cette sous-espèce n’est pas représentée en parcs animaliers.
Menaces
Déforestation
A Madagascar, la déforestation massive est l’un des principaux fléaux. Les espèces totalement arboricoles comme Varecia variegata sont les premières touchées. Et en effet, l’UICN a estimé qu’en 21 ans, la population mondiale de varis noirs et blancs avait perdu 80 % de son effectif.
Création de meubles, de combustible… Le bois est un matériel de base, indispensable encore à notre époque. Depuis la fin des années 1980, la déforestation aurait été multipliée par quatre à Madagascar ; il ne resterait aujourd’hui sur l’île que 10 à 20 % des forêts d’origine. Mais le déboisement est aussi causé par l’agriculture et surtout la pratique de la culture sur brûlis, appelée « tavy » sur l’île. Cette technique consiste à mettre le feu à la végétation pour nettoyer une parcelle et rendre plus fertile une terre avant d’y planter des semences. Si en Indonésie la culture sur brûlis est très utilisée pour planter des palmiers à huile, à Madagascar en revanche, ce sont les rizières et la culture du maïs qui dominent.
La disparition des forêts a un impact direct sur la faune et la flore de l’île puisqu’elle les prive de leur habitat et de leur source de nourriture, mais elle a également des répercutions sur tout l’écosystème. L’absence de barrière naturelle provoque de nombreux glissements de terrain et les cours d’eau s’assèchent car les arbres, en plus de retenir l’eau dans leurs racines, maintenaient l’humidité du sol grâce à l’ombre de leurs feuilles.
Outre l’exploitation forestière et l’agriculture, les forêts malgaches font aussi les frais de l’exploitation minière. Par exemple, rfi relate comment la découverte de saphirs en 2016 dans l’est de Madagascar a profondément bouleversé la région : dégradation des cours d’eau, construction d’habitations dans la forêt, hausse de la criminalité, etc.
Chasse
L’autre principale cause de disparition des lémuriens de Madagascar est la chasse dont ils font l’objet, et c’est encore plus vrai pour le vari noir et blanc qui, du fait de son gabarit imposant et de son comportement bruyant, est facile à localiser dans la forêt tropicale. Comme l’Indri, Varecia variegata est chassé pour sa viande, l’une des plus recherchées et donc des plus rentables sur le marché noir. Les lémurs noirs et blancs constituent une des cibles privilégiées des braconniers et un mets de luxe dans des restaurants alimentés par ce trafic.
Outre la viande de brousse, le braconnage fournit également le marché des animaux domestiques. D’après une étude de la Temple University, sur Madagascar, environ 28 000 varis noirs et blancs sont aujourd’hui domestiqués et vivent en captivité comme animaux de compagnie ! Posséder un lémurien chez soi éloignerait les mauvais esprits et porterait chance à la famille qui le détient. Mais les particuliers ne sont pas les seuls à avoir des lémurs varis. En effet, sur l’île rouge, il n’est pas rare de voir des lémuriens dans les jardins des hôtels pour attirer les touristes !
Efforts de conservation des varis noirs et blancs
La protection de Varecia variegata est menée dans le cadre d’une politique globale de protection des lémuriens de l’île. De nombreuses associations et ONG sont dédiées à la sauvegarde de ces primates comme Lemur Conservation Network ou encore Lemur Conservation Foundation. Ces organismes mettent en place des actions in situ (sur place à Madagascar) et ex situ (en dehors du milieu d’origine).
Reboisement
Madagascar tente de lutter contre la disparition de ses forêts et a mis en place un programme de surveillance aérienne à l’initiative notamment de WWF. Lancée en 2006, l’organisation de patrouilles au-dessus de six aires protégées tests couplée à l’application de sanctions pour les coupables a permis de réduire de 40 % le taux de déboisement entre 2012 à 2016. Fort de ce succès, le programme de surveillance aérienne a été élargi en 2010 aux 21 aires protégées de Madagascar.
Plusieurs ONG participent également au reboisement de l’île et notamment la fondation Goodplanet qui a lancé un « programme holistique de conservation des forêts » en 2008, puis un projet d’agroforesterie et d’agroécologie en 2011. Ces programmes ont pour but la restauration des forêts par la plantation de nouveaux arbres mais également le transfert des compétences nécessaires à une meilleure gestion des ressources naturelles aux Malgaches, condition sine qua non pour une réussite à long terme.
Législation
Les varis noirs et blancs sont légalement protégés. Ils sont classés en annexe I de la CITES depuis 1975 ce qui signifie qu’il est interdit de les détenir, capturer, déplacer ou encore de les exporter. Au niveau international, il s’agit de la protection maximum.
Elevage en captivité et réintroduction
Des programmes d’élevage européens en captivité (EEP) ont été créés et sont toujours menés. Le Parc zoologique de Paris est notamment à l’origine du développement de la population captive des lémurs varis à ceinture blanche, sous-espèce subcincta. Le zoo a reçu dans les années 1990 deux spécimens qu’il a reproduit en les séparant des autres varis noirs et blancs. Dans son étude sur les rôles des populations captives dans la conservation des lémuriens, Delphine Roullet, primatologue et fondatrice d’Helpsimus, détaillait en 2011 les limite de la reproduction en captivité : « Aujourd’hui, la population de l’EEP des lémurs varis à ceinture blanche est composée de 44 individus, pour la plupart descendants d’un unique couple fondateur. Si depuis l’arrivée des premiers animaux, la population captive croit régulièrement, le taux important de consanguinité a conduit à recommander de limiter cette croissance jusqu’à l’obtention de nouveaux fondateurs. »
Pour autant, les varis noirs et blancs sont parmi les premiers lémuriens à avoir été relâchés en milieu naturel. De novembre 1997 jusqu’en 2011, de nombreux individus issus de parcs animaliers américains ont été envoyés dans la réserve de Betampona pour y être réintroduits. Ils ont connu des résultats mitigés : sur les douze lémuriens relâchés, six se sont adaptés et ont réussi à se reproduire en milieu naturel et deux varis ont été tués dès la première année par un fossa, carnivore prédateur naturel des lémuriens.
Actuellement, les programmes de réintroductions ne sont plus une priorité. Au-delà du fait qu’ils demandent plusieurs années de préparation et un coût important, les pressions que subissent les animaux en milieu naturel sont jugées trop importantes pour que la réintégration d’individus soit efficace.
Reproduction
Les lémurs noirs et blancs sont en général polygames et même si des groupes monogames ont déjà été observés, cela reste un comportement très marginal. Mâles et femelles se reproduisent entre mai et juillet mais les femelles ne sont réellement fertiles qu’une journée par an ! Après une gestation de 90 à 100 jours, elles donnent naissance à deux ou trois petits, parfois plus en captivité. La particularité de l’espèce réside dans le fait qu’elle construit un nid à une quinzaine de mètres du sol pour mettre bas. Nid dont elle change régulièrement la place. Pour transporter ses petits, la mère ne les met pas sur sa fourrure comme la plupart des lémuriens mais les porte dans sa bouche, comme les chattes. Un comportement très rare chez les primates. Après quatre mois au nid, les petits lémuriens sont assez forts pour se nourrir seuls et participer au groupe. Toutefois, il faut attendre l’âge de deux ans pour que les femelles atteignent la maturité sexuelle et presque le double pour les mâles. Mais le nid étant en hauteur, bien peu de petits varis noirs et blancs atteignent cet âge : 35 % seulement dépassent le premier trimestre de leur vie.
La longévité de l’espèce est d’une quinzaine d’années mais au zoo de San Diego, un vari noir et blanc a atteint l’âge exceptionnel de 27 ans !
Le saviez-vous ?
Il existe deux espèces de primates appelées « lémuriens à fourrure » : le vari noir et blanc et le vari roux. Leur point commun ? Un poil plus épais que la plupart des autres lémuriens et surtout une crinière ou collerette de poils longs qui court des oreilles jusqu’au menton en passant par les joues.
par Cécile Arnoud
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