Des neufs vautours visibles sur le continent asiatique, le vautour indien est l’un des plus menacés : depuis le milieu des années 1990, l’espèce a perdu 97 % de sa population. Un déclin qui a poussé l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à lancer un cri d’alarme.
Présentation
Description physique
Le vautour indien (Gyps indicus) est reconnaissable à la couleur noire de sa tête et de son cou qui comporte un fin duvet blanc, formant une collerette à sa base. Son plumage est brun sur le dessus et crème sur le dessous. Les jeunes vautours sont facilement reconnaissables car, si le bec des adultes est jaune pâle, celui des juvéniles est sombre et leur tête et cou sont rosés. Leur plumage est également plus sombre que celui des adultes.
En termes de gabarit, Gyps indicus n’est pas le plus imposant des vautours. Ailes ouvertes, son envergure est de 2 à 2,35 m pour un poids allant de 5 à 6,5 kg. A titre de comparaison, le condor des Andes dépasse facilement les 3 mètres d’envergure pour un poids parfois supérieur à 10 kg.
Régime alimentaire
Cette espèce, également appelée vautour à long bec, est un charognard et se nourrit donc presque uniquement de carcasses d’animaux morts, souvent en état de décomposition avancé. Les vautours sont également mis à contribution pour faire disparaître les cadavres humains. Au Tibet notamment, il s’agit même d’un enterrement traditionnel : le vautour débarrasse l’âme de son enveloppe corporelle et lui permet d’atteindre le ciel grâce à son vol. Cette pratique ancestrale est appelée « funérailles célestes » ou encore « enterrements célestes ».
Rôle dans l’écosystème
Symbole de la mort, les vautours ont un rôle environnemental clé. On a coutume de dire qu’ils sont les « éboueurs de la nature » et c’est en effet une partie de leur mission, mais pas seulement. Si les charognards et les animaux nécrophages dans leur globalité permettent de faire disparaître les cadavres, ils contribuent surtout à limiter le développement des maladies, à empêcher la pollution des sols et des cours d’eau, ou encore à réguler la propagation des nuisibles comme les rats, attirés par les cadavres.
Localisation
Gyps indicus vit principalement au centre de l’Inde, entre Delhi et Bangalore, et dans l’ouest du pays. Des petites populations sont connues dans le sud-est du Pakistan et au Népal où l’espèce a fait son apparition en 2011.
Au début du 20e siècle, le vautour indien occupait encore presque toute l’Inde – où il passait pour une espèce courante – avant de disparaître drastiquement entre 1994 et 2004, particulièrement dans le sud du pays.
Au Pakistan, Gyps indicus a chuté de près de 60 % au début des années 2000. A présent, le dernier bastion de l’espèce se situe à la frontière Indo-Pakistanaise. On estime la population mondiale à environ 45 000 individus.
Le vautour indien niche dans les villes et les villages proches des zones agricoles et boisées. L’espèce construit ses nids en se servant des bâtiments ou des falaises comme support.
Menaces
L’empoisonnement médicamenteux
Le déclin du vautour indien est associé à celui du vautour royal (Sarcogyps calvus) et du vautour percnoptère (Neophron percnopterus). Ces trois espèces de charognards ont été victimes d’un déclin foudroyant dont la seule et unique cause a été trouvée en 2003 seulement : le diclofénac, un anti-inflammatoire non-stéroïdien.
Tout commence au milieu des années 1990, quand des vautours sont retrouvés empoisonnés à travers toute l’Inde et même au-delà de ses frontières. Le phénomène s’accentue et en seulement 10 à 15 ans, le vautour indien perd 97 % de sa population. Les autopsies montrent rapidement que les oiseaux sont morts empoisonnés par l’ingestion d’un anti-inflammatoire produit pour les humains mais utilisés pour traiter le bétail. A la mort des bêtes, la molécule reste dans leur corps et provoque une insuffisance rénale suivie d’une goutte viscérale chez les vautours qui se nourrissent des carcasses, une maladie que l’on rencontre en général chez les herbivores. L’oiseau touché cesse de s’alimenter et devient léthargique avant de mourir. Une simulation a prouvé qu’il suffit d’une vache contaminée sur 760 pour provoquer le déclin qu’a connu le vautour indien.
Il est bon de préciser qu’il ne s’agit pas ici d’un empoisonnement volontaire de la part des éleveurs, comme cela arrive de plus en plus régulièrement en Asie, en Afrique ou encore en Amérique du Sud. Le système digestif des vautours évacue la plupart des bactéries et microbes sans conséquence. Or, dans le cas du diclofénac, les oiseaux sont incapables de digérer ce poison. De plus amples recherches montrent que c’est en fait le cas pour la plupart des anti-inflammatoires non-stéroïdiens car, outre le diclofénac, un second médicament a été mis en cause dans la chute vertigineuse des espèces de vautours, principalement au Bangladesh : le kétoprofène.
La concurrence pour les ressources
Une autre menace affecte les vautours indiens, bien que plus mineure : le manque de ressources alimentaires. En Inde, le développement économique entraîne un changement des comportements et de plus en plus d’éleveurs font appel à des équarrisseurs, justement parce qu’il existe de moins en moins de vautours à cause de la raison citée ci-dessus. La conséquence directe est une concurrence accrue entre individus et entre espèces – comme les chiens sauvages – pour les carcasses.
Un changement social explique également le manque de ressources pour les vautours. Les hindous ne consomment traditionnellement pas de vaches, qui sont pour eux des animaux sacrés. Le pays compte 80 % d’hindous pour 15 % seulement de musulmans, mais cette minorité est en forte croissance et sa consommation de vaches est l’objet de nombreux affrontements, voire de représailles mortelles.
Efforts de conservation
Les interdictions de production du diclofénac
En 2002, l’UICN a classé Gyps indicus dans la dernière catégorie de sa liste rouge avant l’extinction. L’espèce est depuis en danger critique d’extinction. Pourtant, les Etats se sont mobilisés pour sauver leurs populations de vautours.
Comme évoqué plus haut, le diclofénac est mis en cause dans le déclin des charognards à partir des années 2003-2004. Le gouvernement indien adopte très vite un projet de loi interdisant la fabrication du médicament à usage vétérinaire, mais la vente des flacons déjà produits reste autorisée. Dans la foulée, le Népal et le Pakistan prennent des mesures équivalentes, puis le Bangladesh les imite en 2010. Cependant, la fabrication du médicament à destination des humains reste autorisée ; les éleveurs ne pouvant plus se fournir la version vétérinaire détournent celle-ci, poussant l’Inde à interdire la production de flacons de plus de 3 ml à partir de 2015.
En parallèle de ces mesures, une alternative sans conséquence pour les vautours a été élaborée : le méloxicam.
L’élevage en captivité
Si l’élimination de la cause de mortalité des vautours indiens est bien entendu la clé pour sauver l’espèce, le processus peut prendre plusieurs années. En attendant, afin d’aider l’espèce à se repeupler, des centres d’élevage en captivité ont été mis en place afin de protéger le patrimoine génétique de l’espèce et de réintroduire des individus en milieu sauvage en temps voulu.
« Le succès du programme de sélection et de diffusion de la conservation du vautour fauve en Europe et le programme qui a permis d’éviter la disparition du condor californien montrent que cette approche fonctionnera », explique sur son site l’Association SAVE (Saving Asia’s Vultures from Extinction), actrice fondamentale de la conservation des vautours asiatiques.
Le Dr Vibhu Prakash, chercheur à la Société d’histoire naturelle de Bombay, dirige le programme d’élevage de vautours en Inde. Selon SAVE, plus de 200 de ces charognards vivent désormais dans ces centres et, en 2015, près de 60 naissances étaient comptabilisées.
Les zones de sécurité
SAVE a développé le concept de zones de sécurité, où le risque d’intoxication est très faible grâce à la sensibilisation des populations aux alentours. En 2014, il existait 12 zones de sécurité réparties entre l’Inde, le Népal et le Pakistan. Ces aires permettront notamment la réintroduction sécurisée des individus nés en captivité. Ainsi, d’après l’association, la création d’une de ces zones près du parc national de Chitwan au Népal a permis de passer de 17 à 45 couples nicheurs de vautours en quelques années. Pour sécuriser ces zones, SAVE a mis un place un programme d’échange du diclofénac contre son alternative non nocive, le méloxicam. L’association mise également sur un important programme d’éducation et de sensibilisation des communautés locales.
Reproduction
Les vautours indiens vivent en colonies constituées de couples. Les nids créés à partir de branchages sont utilisés plusieurs années de suite.
La reproduction s’étale de novembre à mars et la saison s’achève par la ponte d’un œuf unique après une incubation de 45 à 50 jours. La couvaison ne dépend pas exclusivement de la femelle et les membres du couple se relaient pour maintenir l’œuf au chaud.
Quand le petit naît, il est couvert d’un duvet brun et devra attendre que ses plumes poussent avant de pouvoir prendre son envol. Il restera au nid environ 3 mois durant lesquels il sera alimenté par ses parents.
par Cécile Arnoud
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